Homoparentalité : au coeur du débat Quand les familles témoignent

Gwendoline a 36 ans et est assistante de consultant dans une société de conseil. Elle est maman d'un garçon de 15 ans qu'elle élève avec sa compagne.

Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

J'ai rencontré le père de mon fils quand j'avais 18 ans. Nous étions très amoureux, nous avons décidé très rapidement d'avoir un enfant qui est né alors que j'avais 21 ans. Nous avons passé 6 ans ensemble. Avec le temps, j'ai senti que je n'étais pas complètement épanouie. Un jour, il y a presque 12 ans, je suis tombée amoureuse d'une femme : une histoire très courte mais très forte. Quand elle s'est terminée, je me suis longtemps demandée si j'étais lesbienne ou si je pouvais juste être amoureuse d'une personne pour elle, sans tenir compte de son sexe. Et puis je suis retombée amoureuse d'une autre femme : ce qui m'a confirmé que oui, je suis lesbienne. Aujourd'hui je ne pourrais plus vivre avec un homme car mon équilibre et mon bonheur sont aux côtés d'une femme. Aujourd'hui en couple, je suis très heureuse et j'assume complètement mon choix de vie. Ma famille est très ouverte et a très bien accepté mon choix. Ma compagne est très appréciée !

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Gwendoline © Gwendoline
Comment a réagi votre fils à votre nouvelle vie ?

Mon fils avait 4 ans quand je lui ai expliqué pour la première fois que sa maman était amoureuse d'une fille. Je lui expliqué avec des mots simples : on a le droit d'aimer qui l'on veut, à partir du moment où cela nous rend heureux. Je lui ai aussi dit que l'amour est la chose la plus importante au monde. Nous en avons souvent reparlé, il m'a posé de nombreuses questions, qui ont évolué avec son âge. Aujourd'hui, c'est un sujet qui ne le dérange pas. Il en parle ouvertement, mais seulement quand il juge que ses interlocuteurs sont assez intelligents pour comprendre.   

Comment s'organise la vie de votre fils qui a deux mamans et un papa, au quotidien ?

Ma compagne fait partie de la vie de mon fils depuis qu'il a 9 ans et nous vivons tous les trois depuis 3 ans. Elle participe à son éducation au quotidien, il l'appelle même "jolie maman". Il voit son père un week-end par mois et la moitié des vacances. Au quotidien, nous gérons toutes les deux ses études, répondons à ses questionnements sur la vie, écoutons et soulageons ses peines de cœur... Le fait que ma compagne n'ait pas de statut aujourd'hui pose moins de problèmes que dans certaines familles, car mon fils est grand et qu'il sort seul du lycée. Mais si je m'absente pour le travail, je dois laisser à ma compagne une autorisation en cas de soucis pour une hospitalisation, ce qui est aberrant car elle l'élève au quotidien mais ne peut être reconnue par la loi ! Si je venais à disparaître, mon fils devrait retourner vivre chez son père et ma compagne n'aurait aucun droit, alors qu'elle est très importante pour lui et qu'il l'aime. C'est sa deuxième maman !

Avez-vous le sentiment d'un regard pesant sur votre structure familiale, ou vous sentez-vous "acceptée" ?

Il m'est arrivé de subir quelques attaques au sujet de mon homosexualité, en l'occurrence de la part du père de mon fils qui n'a pas du tout accepté, de quelques voisins ou de passants dans la rue qui vous regardent comme des bêtes bizarres. Mais après plusieurs expériences, je m'aperçois que c'est l'inconnu qui effraie les gens. Alors j'explique que je vis comme eux, que j'ai les mêmes peurs, les mêmes peines, les mêmes joies, les mêmes problèmes, que j'élève mon enfant comme eux et qu'il a aussi fait la varicelle... La seule différence, c'est que moi, je vis avec une personne du même sexe que moi. Une fois qu'ils ont compris, l'homosexualité passe vraiment au second plan et n'a aucune importance. En revanche je trouve dommage qu'encore aujourd'hui je ne puisse pas assumer pleinement mon homosexualité, partout. Les mentalités ne sont pas encore prêtes : par exemple, mes collèges pensent que je vis avec un homme.

Que pensez-vous de l'avant-projet de loi sur le mariage et l'homoparentalité ? Prévoyez-vous de vous unir à votre compagne ?

Je pense que ce n'est qu'un avant projet et qu'il n'est pas encore abouti et qu'il faut aller doucement : à tout vouloir tout de suite, nous finirons par ne rien obtenir ! Nous devons procéder par étapes : mariage, adoption, PMA et GPA, reconnaissance de la parenté... tous ces sujets sont très importants, il faut prendre le temps de les traiter individuellement. J'aimerais en effet me marier avec ma compagne, d'abord pour officialiser notre union, mais surtout pour protéger les enfants.

"Nous ne sommes pas des amazones, nous ne vivons pas qu'entre femmes !"

Vous avez en effet un projet de deuxième enfant : pourquoi avoir choisi l'insémination artificielle ?

Nous avons choisi l'IAD car c'est un projet de couple et que nous pensons qu'un enfant cela se fait à deux. Par ailleurs l'adoption est aujourd'hui très compliquée pour les homosexuelles et nous ne souhaitons pas élever un enfant dans le cadre d'une coparentalité. Il est vrai que l'IAD est compliquée, nous devons aussi nous rendre à l'étranger... mais c'est tellement magique d'être parent que cela nous donne la force d'aller au bout de notre projet ! 

L'image du père est-elle importante pour vous et comment ferez-vous en sorte qu'elle soit présente pour votre enfant ?

L'image du père est un grand sujet, mais on nous pose très souvent cette question à nous lesbiennes, alors que cela ne viendrait à l'idée de personne de poser la même question à une mère célibataire hétérosexuelle... Nous ne sommes pas des amazones, nous ne vivons pas qu'entre femmes ! Nos enfants sont entourés de grands-pères, oncles, parrains, voisins, instituteurs, amis... ils auront toujours un homme important dans leur vie vers qui se tourner quand ils en auront besoin. Il suffit de faire confiance à nos enfants.

Expliquerez-vous à votre enfant en projet son histoire, et comment ?

Oui, nous lui raconterons son histoire : le plus important est la vérité et la transparence. A partir du moment où votre enfant vous sent en harmonie avec vos choix et que vous répondez à ses questions, tout est simple. L'essentiel est de ne pas mentir et de ne pas inventer des histoires.

Avez-vous le sentiment de transmettre des valeurs différentes que dans une structure familiale dite "classique" ?

La seule chose qui diffère, c'est que j'ai transmis à mon fils est une grande tolérance, et une ouverture d'esprit.

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