Mon enfant n'a pas de copains

Pour certains enfants, avoir des copains est loin d'être évident. Ce problème doit pourtant être pris au sérieux par les parents car il cache une réelle souffrance. Les explications de Philippe Scialom, psychologue.

Mon enfant n'a pas de copains
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Il est parfois difficile pour les enfants de s'intégrer à l'école, d'autant plus lorsqu'il semble ne pas se faire beaucoup d'amis et qu'il erre seul dans la cour de récré. Mais il faut distinguer deux choses : "soit l'enfant a toujours été isolé, soit la solitude est apparue à un moment précis. Dans le premier cas, l'isolement date de la maternelle, à la période de la sociabilisation", précise Philippe Scialom*, psychologue. Cela se manifeste par des pleurs avant d'aller à l'école, l'enfant à du mal à s'affirmer dans un groupe, on dit de lui qu'il est timide. Il faut alors l'encourager à aller vers les autres, lui dire que ce n'est pas grave si les autres enfants refusent de jouer avec lui... Il est nécessaire de persister et de le pousser à s'exprimer. Et ce, même à la maison. L'enfant doit être encouragé à dire bonjour, au revoir. Si le problème ne se résout pas, cela crée de la souffrance et l'enfant a besoin d'aide.

A partir de quel âge un enfant se fait-il des amis ?

L'année de sociabilisation est la première année de maternelle. Avant, les copains de crèche sont souvent le fait des parents. Même s'il peut y avoir de réelles amitiés. Au CP, l'enfant se fait vraiment des copains. "Les relations avec les autres ne sont jamais anodines"

Que penser des enfants qui se replient sur eux-mêmes ?

"Cela se manifeste ainsi : tout allait bien avec les autres au début et puis d'un seul coup, il y a eu une rupture. Ce problème touche davantage les filles que les garçons. Il y a souvent des conflits entre filles, qui peuvent prendre des proportions incroyables dès le primaire, puis dans le secondaire. Elles ont besoin de s'affirmer entre elles, de se comparer. Elles peuvent se renvoyer des choses très dures. A cette époque, les filles ont des amitiés exclusives. Si ça ne va pas, elles vont vivre ce moment comme un abandon. Ce problème touche moins les garçons car ils sont plus ouverts sur le groupe, les jeux de ballon favorisant la sociabilisation", précise le psychologue.

Et chez les adolescents ?

Chez les adolescents, cela peut vraiment prendre de grandes proportions. "Les parents doivent être à l'écoute, inciter leur enfant à aller vers les autres, proposer des choses... Il y a une vraie souffrance. D'autant que cela peut être un déclencheur pour autre chose. Les relations avec autrui ne sont jamais anodines. D'autant qu'elles reflètent les liens qu'on a eus avec ses parents", précise le spécialiste.

Comment s'explique la timidité ?

Un enfant timide est un enfant qui a du mal à se séparer : il ne veut pas aller vers les autres, dormir chez les copains, fêter les anniversaires... La difficulté de langage chez les petits peut également créer des malentendus. Par exemple, en maternelle, l'enfant n'arrive pas à négocier un jouet. Du coup, il s'isole ou devient agressif. Les parents pensent souvent que c'est la faute de la maîtresse, qu'elle est sévère. Mais au fond, les autres ne réagissent pas comme ça. La timidité s'explique aussi par le climat familial. A la maison, on parle peu, on est retenu dans ses propos. L'enfant voit que les parents ont du mal à communiquer et applique le même schéma. Or, il faut l'encourager à s'ouvrir aux autres. Pour autant, il arrive également que les parents ne soient pas conscients de l'isolement de leur enfant. D'ailleurs, c'est souvent l'école ou les copains qui donnent l'alerte. "Beaucoup de parents viennent ensuite me voir et me disent : "C'est incroyable, à la maison mon enfant est joyeux, et à l'école, on me le décrit comme quelqu'un de replié sur lui, qui n'a pas d'amis", confie Philippe Scialom. L'enfant isolé se sent en sécurité à la maison. Mais quand il se retrouve seul chez lui, mais que ses parents ne sont plus là, il ne sait pas se débrouiller parce qu'il n'a pas franchi l'étape de l'autonomie. Les enfants ne veulent pas parler de ce problème pour ne pas décevoir leur père ou rendre triste leur mère. Cela peut aussi correspondre à un moment particulier dans la famille. Dans ce cas, souvent, les enfants protègent leurs parents. Ils ne veulent pas rajouter un stress supplémentaire et se taisent.

Que peuvent faire les parents pour aider leur enfant ?

Sans être intrusifs, ils peuvent poser une question de temps en temps. Comment s'appellent tes copains, est-ce que tu a joué avec eux, as-tu envie d'inviter des amis à la maison ? Il ne faut pas questionner l'enfant avec anxiété. Les parents peuvent aussi demander à voir la maîtresse. L'enfant parle-t-il en classe, lève-t-il la main pour parler ? Tout cela est révélateur. Le mieux, c'est le dialogue avec les parents. Mais certains peuvent être mal à l'aise avec ce problème. Dans ce cas, des activités peuvent être proposées à l'enfant : théâtre, jeux de groupe... Les scouts et les éclaireurs, c'est extraordinaire pour aider l'enfant. Sinon, l'aide peut venir de consultations. Ça en vaut la peine car cela peut débloquer des choses simples. Plus on intervient tôt, moins il y aura de souffrance.

Enfin, des parents sont parfois obligés de déménager tous les deux ans pour des raisons professionnelles. Je pense notamment aux militaires et aux diplomates. Malheureusement, cela a des conséquences désastreuses sur les enfants. Ils ne vivent que des ruptures. Cela crée de grosses souffrances même chez ceux qui n'ont aucun problème pour se sociabiliser.

Quelles conséquences la solitude a-t-elle une fois adulte ?

Un enfant seul donne un adulte secret, qui raconte peu. Ce malaise finit toujours par ressortir. Il se manifeste alors à l'âge adulte par des crises d'angoisse, de l'inhibition, de la dépression. Et c'est tant mieux. La dépression n'est pas une maladie, mais l'expression de quelque chose qui demandait à s'exprimer.

Un enfant peut aussi refuser le contact des autres car ils ne l'intéressent pas... 

C'est vrai. Il y a aussi le cas des enfants surdoués, ceux que j'appelle les vrais précoces. Ce sont des personnes très au-dessus de la moyenne intellectuellement et homogènes. Ces enfants rencontrent toujours des malentendus avec les autres car ils sont toujours décalés, ils vont plus vite. Une fois, un jeune est venu me voir dans mon cabinet. Il m'a dit : "Les autres ne m'intéressent pas, je n'ai pas envie d'avoir un Ipod comme tout le monde..." Je lui ai répondu : "Intéresse-toi à ce qu'ils font, même si tu parles de la pluie et du beau temps". Il faut apprendre aux enfants à communiquer à une autre vitesse et à un autre niveau qu'eux.

Faut-il apprendre à communiquer à un enfant ?

La communication, c'est important. Tout petit, il faut expliquer à l'enfant comment on fait pour parler de la pluie et du beau temps. Si on ne lui a pas appris, il lui sera difficile de pouvoir nouer ce genre de conversation.

*Propos recueillis en 2008

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