Familles recomposées : quatre mamans témoignent "Il ne leur a pas dit : j'aime une femme, nous allons vivre ensemble"

A votre avis, d'où vient le malaise ?
Mon compagnon n'a jamais eu de réelle discussion avec ses filles de type : "J'aime une femme, nous allons vivre ensemble". Il prétendait qu'il fallait y aller en douceur, que venant de plus en plus à la maison, j'allais y rester définitivement. Nous avons souffert de ne pas vivre ensemble plus tôt. Il s'imposait cette souffrance en pensant qu'elles m'accepteraient mieux ensuite. Il croyait qu'en leur imposant ma présence dès le début, elles se braqueraient. Il fallait procéder par étapes. Il espérait surtout s'épargner un affrontement direct avec ses filles au cours duquel il devrait leur avouer son amour pour moi. C'était très dur pour lui.

Quand vous êtes-vous installée définitivement ?
Mon installation définitive a coïncidé avec le départ de Julie. C'était bien pour Amandine qui n'a pas eu le temps de se retrouver seule le soir. Dès l'absence de sa sœur, j'ai été présente. Pour Julie, c'était très mal joué. J'ai pris sa place de maîtresse de maison. Même si le malaise existait avant, cet évènement a mis le feu aux poudres. Elle a reproché à son père de m'avoir rencontrée trop tôt après de décès de sa maman, soit un an. Je ne crois pas. Sa jalousie aurait été la même quelques années plus tard. Mon compagnon et moi sommes passés par des moments difficiles auparavant. J'ai 38 ans, lui 46. Nous sommes très heureux de pouvoir profiter de la vie maintenant, de cette seconde chance. 

Imaginiez-vous la difficulté d'avoir une famille recomposée ?
Oui, j'en étais parfaitement consciente pour deux raisons. Tout d'abord, j'avais eu le temps d'observer le fonctionnement de cette famille. Nous avions longuement parlé de ce sujet avec mon compagnon, échangé nos points de vue. Nous avions envisagé différents scénarios car nous sommes tous les deux attentifs à l'équilibre psychologique de nos enfants. Il m'avait prévenu à l'avance de la façon dont il allait procéder. Il faisait confiance à ses filles. Lorsque je l'ai mis en garde quant aux conséquences, il ne m'a pas écoutée. Il m'a même reproché de voir le mal en ses filles, qu'elles étaient intelligentes, qu'elles allaient comprendre très vite. Ensuite, il m'a dit que si ça se passait mal, c'est que j'y aurais mis de la mauvaise volonté. J'ai compris qu'il était buté et aveugle quand il s'agissait de ses propres filles. Pour cette raison, j'ai toujours fait très attention à ne jamais me mêler de leur éducation.

Par conséquent, vous n'interdisez jamais ?
Je ne donne jamais aucune autorisation ni interdiction. Je ne donne jamais d'ordre. Par exemple, le soir je dis : "Le repas est prêt". Je ne dis jamais de mettre le couvert sur la table. Si elles ne comprennent pas tant pis.

"Les bases de notre couple sont solides et ne reposent pas sur nos enfants"

Vous regrettez aujourd'hui ?
Non, je ne regrette rien parce que j'ai choisi mon compagnon en toute connaissance de cause. Je n'ai pas choisi de m'installer avec une famille entière. J'ai choisi de vivre avec ce compagnon là. Notre vie de couple n'est en rien altérée par ces évènements. Il faut savoir ce que l'on attend d'une relation. Je ne suis pas avec cet homme pour qu'il me prête de temps à autres les filles que je n'ai pas eues. Il me plaît pour de nombreuses raisons. J'aime passer mes temps libres avec lui. Nos enfants sont suffisamment grands pour nous laisser nos week-ends et nos vacances en tête-à-tête.

Que pensez-vous des femmes qui vivent mal les difficultés liées à la famille recomposée ?
Je pense qu'elles attendent trop de preuve d'amour de leurs beaux-enfants et trop de reconnaissance. Le regard des autres pèse aussi très lourd. Il faut s'en dégager. C'est difficile. Mais il ne faut pas écouter ce que les autres disent ou pensent très fort, comme : "Elle doit mal s'en occuper puisque ces enfants ne l'aiment pas" ou "Elle doit être méchante". J'y étais très sensible avant, mais depuis j'ai mûri. C'est uniquement de mon compagnon que j'attends des preuves d'amour.

Comment voyez-vous le futur ?
Je pense que la vie va continuer ainsi, maintenant que l'abcès est percé. Ces évènements n'ont jamais ébranlé notre couple. Nos bases sont solides et ne reposent pas sur nos enfants.

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