Tout se joue-t-il avant 6 ans ?

La marche, la parole... Jusqu'à 6 ans, les enfants acquièrent de nombreuses capacités. Mais est-il exact de penser que tout se joue avant cet âge ? Catherine Jousselme, auteur d'un ouvrage sur le sujet, se veut rassurante.

Quelle est la première étape du développement de l'enfant ?

Jusqu'à la marche, le rapport de l'enfant à sa mère change. Au début, ils ont une relation très forte et charnelle. Puis, grâce notamment à la présence du père, la femme comprend qu'elle n'est pas qu'une mère. Elle commence alors à "frustrer" son petit en n'étant plus autant "collée" à lui qu'avant. Cette frustration est une sacrée étape pour l'enfant qui prend conscience que sa maman continue d'exister sans lui. Mais s'il a de bonnes bases, et c'est là que le comportement des parents est important, il va facilement partir explorer le monde qui l'entoure et gérer sa solitude.

Quels principaux phénomènes interviennent ensuite ?

A 18 mois, c'est l'acquisition de la propreté et le pot. Le petit doit alors répondre à une demande des parents qui n'est pas évidente pour lui puisqu'il n'en retire aucun plaisir. Cette étape l'aide à apprivoiser ses limites corporelles : il perd quelque chose de lui mais sans danger. D'autant plus que ses parents sont véritablement heureux de le voir sur le pot. Puis, entre 3 et 6 ans, c'est le fameux complexe d'Œdipe. L'enfant accepte le fait que Papa et Maman s'aiment mais pas comme ils l'aiment, lui. Il accepte alors de ne plus penser à séduire le parent du sexe opposé, en choisissant de s'identifier à celui du même sexe que lui, pour aller, plus tard, faire ses choix amoureux en dehors de la famille. 

 

"Un bébé n'a pas besoin qu'on lui bourre le crâne avec des jeux ultrasophistiqués !"

Comment faire si l'on "rate" une de ces étapes ?

Pas d'inquiétude ! Toutes ces étapes sont importantes mais on peut se rattraper plus tard. Avoir un mauvais accouchement ou subir un blues post-partum, par exemple, ne signifie pas que tout est fichu. Il faut juste se faire confiance et faire confiance, à un tiers notamment. En effet, aujourd'hui les familles sont très souvent nucléaires (parents et grands-parents ne vivent plus sous le même toit). Et lorsque la maman rentre de la maternité, le papa reprend le travail pratiquement tout de suite après. Par conséquent, si une mère se pose des questions, elle doit pouvoir se confier à quelqu'un. Dans ce cas, le pédiatre peut être un bon interlocuteur. Il ne faut pas hésiter à le solliciter. Cette tierce personne peut aussi être un psychiatre dans certains cas, car la naissance d'un bébé peut parfois rouvrir des cicatrices chez la maman.

Tout se joue avant 6 ans : quelles sont les dérives d'une telle théorie ?

Le risque est d'avoir des enfants surstimulés. Un bébé n'a pas besoin qu'on lui bourre le crâne avec des émissions de télévision ou des jeux ultrasophistiqués ! Au contraire. Il est nécessaire pour un petit d'être entouré, câliné, qu'on joue avec lui. De même, lorsque les parents se promènent avec leur bout de chou installé dans un kangourou, ils doivent le protéger et le placer contre eux et non lui faire voir ce qui se passe dans la rue, histoire de "l'éveiller". L'effet provoqué sera l'inverse du but recherché. Le petit peut devenir phobique ou dépendant à la surstimulation, car pris dans une ambiance où il y a beaucoup d'images, très vite, très tôt et tout le temps. Il ne faut pas s'étonner s'il y a de plus en plus d'enfants hyperactifs...

Avec ce culte de la performance, faut-il forcément s'inquiéter si l'on constate un retard chez notre enfant ?

Tous les enfants ne se développent pas au même rythme. En maternelle, par exemple, certains sont plus doués pour parler et d'autres pour dessiner. Ils ont juste une évolution différente. Dans tous les cas, c'est à la maîtresse ou au pédiatre de détecter un vrai retard. Celui-ci peut avoir des origines diverses, plus ou moins graves. Il peut être lié par exemple à un blocage psychologique suite à un divorce, la maladie ou la mort d'un proche.

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