Elles ne veulent pas être mères Edith Vallée : le droit de mener sa vie n'est plus contestable

Edith Vallée est psychologue et étudie le phénomène des childfree depuis de nombreuses années. Elle a publié plusieurs ouvrages sur le sujet et a fait elle-même le choix de ne pas avoir d'enfant. Elle raconte.

Selon une étude de l'Ined, seuls 6,3% des hommes et 4,3% des femmes font le choix d'une vie sans enfants. Ces chiffres vous semblent-ils représentatifs de la réalité ?

Ces chiffres sont justes. Toutefois, cette même étude évoque des chiffres plus larges concernant les femmes et les hommes qui se retrouvent sans enfant sans l'avoir décidé. Ainsi, 13,5 % des femmes et 21 % des hommes seraient dans cette situation. Toutes ne sont pas dans un regret vif, elles disent n'avoir pas vu passer le temps, rencontré l'homme idéal. Moi je crois que leur désir d'enfant n'était pas si fort que ça. La pression sociale intervient au moment du bilan pour les culpabiliser. Elles ont fait un choix sans s'en rendre compte. Elles ont préféré leur carrière, elles se sont consacrées à une passion prenante...

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Edith Vallée s'exprime sur les childfree. © Syda Productions - Fotolia.com


La pression de la société sur ces femmes est très forte. Avez-vous, personnellement, observé un changement dans les mentalités depuis que vous travaillez sur le sujet ?

Effectivement, il y a eu un changement très fort. J'ai fait ma thèse de psychologie sur ces femmes qui ne voulaient pas d'enfant et si la publication a eu lieu en 1981, j'ai commencé à travailler sur le sujet dans les années 70. A cette époque, ce choix était extrêmement mal perçu, il suscitait beaucoup d'interrogations et d'échanges vigoureux ! Il y a eu beaucoup de situations où les femmes qui ont affirmé ce choix se sont senties rejetées. Il y avait jusqu'en 90, l'idée que les femmes ne sont pas complètes si elles ne sont pas mères.

Dans les années 90, il y a eu une montée de tolérance. Mais il y a une différence notable selon la situation où la femme annonçait ce choix. Les femmes qui faisaient part de ce choix au sein du couple, provoquait de la curiosité voire de l'empathie. En revanche, dès qu'elles l'affirmaient publiquement, il y avait toujours quelqu'un pour s'ériger en morale et la rejeter. Maintenant, il est hors de question de contester leur droit de mener leur vie comme elles l'entendent. Mais derrière ceux qui mettent en avant la tolérance, il reste l'idée qu'on ne les sent pas épanouies. Il y a aussi une association plus dangereuse entre les femmes childfree et les infanticides. Il y a un amalgame entre "ne veut pas d'enfant" et "n'aime pas les enfants" et est donc capable de tout !


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