Sages-femmes : une grogne qui ne passe pas

Depuis deux mois, de nombreuses sages-femmes sont en grève et militent pour une meilleure reconnaissance de leur métier. Zoom sur une grève, qui passe presque inaperçue...

Sages-femmes : une grogne qui ne passe pas
© Avant-on-était-sage.fr

[Mis à jour le 23/12/2013, à 10h52]


Après une réunion vendredi 20 décembre entre Marisol Touraine et les sages-femmes, ces dernières ont décidé de poursuivre leur mouvement de grève. "Le statut des sages-femmes évoluera mais il n'y a pas de consensus sur la forme qu'il doit prendre" a déclaré la ministre de la Santé.

Entre des panneaux "Faut pas pousser" et des slogans comme "Marisol, les sages-femmes en ont ras le col", 4500 sages-femmes ont défilé lundi 16 décembre jusqu'au ministère de la Santé. Si cette grève est passée presque inaperçue, il n'en reste pas moins que depuis deux mois, 80 % des maternités sont en grève selon le collectif des sages-femmes. Leurs raisons ? Les mêmes depuis longtemps, jamais résolues :

  D'abord, être reconnues comme des praticiennes de premier recours dans la santé des femmes. Céline, sage-femme, qui campe depuis une semaine devant la maternité de Port-Royal, explique : "nous aimerions être plus visibles. Les femmes ne sont pas au courant de toutes les tâches qui peuvent nous être confiées. On peut suivre les femmes durant toute leur vie gynécologique : dès l'adolescence pour leur prescrire une contraception et les informer sur la sexualité, puis nous les revoyons lorsqu'elles veulent un enfant, pendant leur grossesse puis en suite de couches. Nous sommes sous-exploitées par rapport à ce que l'on peut apporter".

 Ensuite, obtenir le statut de profession médicale. Ce statut de personnel médical hospitalier leur confèrerait une véritable autonomie, un salaire à hauteur de leurs compétences et responsabilités et surtout, une place dans la gouvernance hospitalière. Céline prend l'exemple des maisons de naissance : "Dans le projet, il est prévu que ce soient les sages-femmes qui dirigent ces structures. Sauf que ce n'est pas possible, car nous n'avons pas le statut pour le faire".

Ces revendications ont été détaillées dans un cahier de doléances déposé chez Marisol Touraine, ministre de la Santé, le 7 novembre. Depuis, plusieurs discussions ont eu lieu. La première demande concernant leur visibilité dans le parcours de santé a été comprise : "sur cette revendication précisément, les sages-femmes ont été entendues et le ministère de la Santé a promis de voir comment articuler cela entre les sages-femmes et les gynécologues, les médecins généralistes, etc.", précise Céline.

En revanche, concernant le statut, les propositions du gouvernement n'ont pas été jugées satisfaisantes par les manifestantes qui ont claqué la porte du ministère. "Tout le monde sait que si nous changeons de statut, il faudra nous augmenter. Mais si c'est un investissement de départ, cela fera des économies sur le long-terme. Si les sages-femmes pouvaient utiliser toutes leurs compétences, il y aurait moins de médicaments prescrits, moins d'IVG...", indique Céline.

Mais le problème est complexe. Les sages-femmes se heurtent à de nombreux freins. Leur grève, peu connue du public, est quasi-invisible car ces professionnelles continuent de travailler ! Elles sont aussi peu soutenues par leurs confrères du milieu médical. Céline évoque notamment "les gynécologues qui redoutent qu'on leur vole leur patientèle. Alors qu'il y a du travail pour tout le monde !". Derrière ces freins, se cache aussi un certain sexisme. "Nous sommes une profession avec 98 % de femmes et cela ne nous aide pas trop ! La Ministre des droits des femmes nous a sous-entendu que nous portions une double peine : nous parlons de la santé des femmes et en plus, nous sommes des femmes... ".

Alors que les deux manifestations, dont la dernière violemment réprimée selon le collectif, n'ont pas eu d'effet, les sages-femmes espèrent que les directeurs d'hôpitaux et les Français réagiront. En effet, hier, plusieurs sages-femmes étaient en arrêts maladie suite aux répressions musclées des CRS. Il n'y avait donc pas de relève dans plusieurs maternités parisiennes mardi soir.

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