Avoir un bébé : un frein à la carrière pour près d'une femme sur deux Elles témoignent

Quand on leur demande pour quelles raisons elles ont le sentiment que la maternité est un frein à leur carrière, les mamans interrogées font un constat édifiant. Elles parlent entre autres de la "trahison" que constitue le fait de devenir maman au sein de certaines entreprises, mais aussi de l'organisation pour aller chercher leur enfant chez la nounou, pas toujours bien vue, et de l'implication jugée moindre au sein de leur entreprise. Morceaux choisis : " Mon poste de Directrice commerciale export m'a été enlevé car je cite: "on ne pouvait pas compter sur moi comme avant". Ma direction "ne pensait pas qu'avoir des enfants faisait partie de mes projets personnels" lorsqu'ils m'ont embauché... " , explique une maman. Une autre constate : "Je ne vais pas pouvoir faire autant d'heures supplémentaires car j'ai mon bébé à aller chercher le soir chez la nourrice. Du coup mon employeur trouve que je ne m'investis pas assez dans mon travail !". Parfois, dès l'embauche, la discrimination se profile déjà : "Lors de mon entretien d'embauche, mon supérieur m'avait déjà demandé si j'envisageais une grossesse... Tâches redistribuées pendant mon absence, et non réattribuées à mon retour. De plus, remarques désobligeantes de la part de la direction : "tu avais qu'à être là..." . Une autre maman renchérit : "Il y avait un contrat tacite de ne pas être enceinte durant ma période de travail dixit mon patron. Il a qualifié ma grossesse comme un luxe et un non respect de mes collègues. "On m'a clairement dit "une maman c'est quand même très souvent absent"".

Vous en voulez encore ?

"Un changement de poste était prévu dans l'année avec une hausse de salaire pour une fonction plus importante. Suite à mon annonce, je n'ai plus été sollicitée" note une internaute. "J'ai été mise à la porte suite à l'annonce de ma grossesse, mon dossier est actuellement chez l'inspecteur du travail" explique une autre maman. "Après avoir repris le travail, mon directeur a complètement changé de comportement envers moi. il m'a accusé à tort d'avoir commis des erreurs sans preuve et a tout fait pour me culpabiliser ; pour éviter les soucis j'ai demandé à changer de poste""On pensait que je ne pouvais pas être aussi disponible qu'auparavant avec un enfant. Être mère était un frein à ma carrière selon mon responsable hiérarchique". Ou encore : "On me demande clairement aujourd'hui de choisir entre un poste intéressant et mes responsabilités de mère. J'ai bien retrouvé mon poste à mon retour de congé maternité, mais aucune concession sur mes horaires ne peut être envisagée, je me dois d'avoir une flexibilité absolue et un dévouement total à mon entreprise, chose que je ne peux plus faire à 100 % sauf à sacrifier ma vie de famille".

Des phrases comme celles-ci, nous en avons récolté près de 600 dans le cadre de notre enquête.

Au Défenseur des droits, on n'est pas étonné de telles déclarations :  "Je comprends les témoignages de ces femmes... car nous recevons les mêmes", constate Christine Jouhannaud. "L'idée de trahison s'en dégage. La femme enceinte apparaît aux yeux de son employeur, comme déloyale ou l'ayant trahi. Au contraire, on devrait se réjouir que les femmes aient toujours envie de faire des enfants ! ". Les deux expertes interrogées sont d'ailleurs étonnées du problème que pose une absence qui, somme toute, ne dure que 16 semaines dans le cadre du congé maternité. "Sur l'ensemble d'une vie professionnelle, une femme est moins absente qu'un homme. Par contre c'est une question de perception car elle est tout d'un coup absente 16 semaines" explique Aline Crépin, avant de poursuivre : " La clé pour éviter ce genre de situation, c'est la formation du manager. On ne peut pas demander en entretien, si la candidate souhaite ou non un enfant ! Si on gère bien l'avant-après maternité, les mamans sont un réservoir énorme de motivation. Aujourd'hui on dispose d'un arsenal législatif qui devrait obliger les entreprises à aller dans la bonne voie. Les femmes ne doivent pas se résigner. Il faut que, dans l'entreprise, on compte davantage de managers femmes avec enfants pour donner de nouveaux repères"..

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