Portraits de profs 3/3

Les profs ont une vie en dehors de la salle de classe. Une vie sociale. Une vie familiale. Ils sont parfois parents. Des parents qui ne scolarisent pas ou plus leurs enfants. Ou qui les scolarisent, du moins essayent. Car si leurs enfants sont porteurs d'un handicap, leur scolarisation est un long chemin semé d’embûches. Vous souvenez-vous de Rodolphe et de sa Maman ?

CLIS ou IME pour Rodolphe ?

A la fin de chaque année scolaire, les parents de Rodolphe doivent monter un dossier à la MDPH pour organiser l'année suivante. Ils y précisent le type d'accompagnement qu'ils demandent pour lui : orthophoniste, éducatrice... En fonction de leurs revenus, une allocation AEEH leur est accordée pour contribuer au coût de cet accompagnement.


Rodolphe a maintenant 7 ans. Il a terminé une année de Grande Section de maternelle. A la rentrée, ses parents souhaitent qu'il intègre une CLIS. Ces classes sont implantées dans des établissements scolaires et, dans la mesure du possible, les élèves qui les fréquentent participent à d'autres cours des classes ordinaires. En réunion éducative – parents et équipe enseignante – en novembre 2013, il avait été préconisé 32 h de présence hebdomadaire d'une AVS pour Rodolphe. Sur le dossier de la MDPH, par précaution et anticipation, les parents avaient également coché la case IME, car «peu de solutions existent et il faut organiser les choses des années à l'avance.» Même par défaut.


La MDPH a tranché : Rodolphe a droit à un mi-temps CLIS et un mi-temps IME avec 6 h, peut-être 9 h d'AVS + 4 h pour les déjeuners. Les parents sont effondrés. «Les IME sont des centres où sont intégrés tous les enfants porteurs de handicap. Ce ne sont que des handicapés. Notre fils n'évoluera pas. Le mettre directement en IME, c'est le placer. Il gène. On ne fait aucun effort pour nous aider. On brise une famille, notre vie



A quand des classes ouvertes à tous ?

En tant qu'enseignante, et mère d'un enfant «différent», cette maman porte un grand projet dans son cœur, projet qu'elle rêve de voir un jour réalisé : accueillir des enfants handicapés dans ses cours. Et que cet accueil se généralise. «Tant d'enfants, des milliers, ne sont pas scolarisés, n'ont aucune solution. Les parents sont obligés de s'arrêter de travailler, comme je l'ai fait un moment. Cela désengorgerait les IME de scolariser ces enfants dans davantage de CLIS et en classes normales. Tant d'établissements ne sont même pas aux normes. C'est cela l'intégration et la sociabilisation. Des deux côtés


Une politique d'intégration nécessite des moyens. Dans ce cas, la présence – et la formation préalable – d'AVS et d'enseignants. La CLIS que Rodolphe intégrera en septembre accueillait durant la dernière année scolaire, 9 enfants, accompagnés par une enseignantes et une AVS scolaire. Deux enfants bénéficiaient de leur AVS individuelle.


Totalement désabusés, les parents tentent d'aménager leurs horaires. La maman enseignera à 80 %, le papa décalera son temps de travail afin d'assurer les quatre déjeuners et de dégager ainsi les 4 h de présence d'AVS prévues à cet effet, qui pourront être balancées sur le temps scolaire.

Si ce schéma est entériné, Rodolphe ira donc en classe, en CLIS, le lundi, mardi, jeudi et vendredi matin en bénéficiant de la présence de son AVS individuelle. Ces 4 midis, le papa assurera les repas. La maman prendra le relais les après-midis, temps sur lequel s'effectueront les soins avec l'orthophoniste et l'éducatrice qui utilise la méthode PECS pour déclencher le langage. Les deux autres après-midis, Rodolphe sera en classe CLIS sans son AVS individuelle.

La classe peut accueillir 12 enfants, dont s'occupent une enseignante et une AVS scolaire, éventuellement secondées par des AVS individuelles. A ce prix, l'IME sera évité. Ce sera une course quotidienne, et un autre combat, pour que Rodolphe puisse, comme son petit frère, participer naturellement à des activités sportives et culturelles le mercredi.


Les difficultés dans lesquelles se débattent les familles d'enfants différents sont abyssales. Alors, à l'instar d'un titre de film... «Si tous les parents d'enfants différents se donnaient la main», virtuellement par le biais des réseaux sociaux, la force qui découlerait de leur union leur donnerait peut-être enfin le poids nécessaire pour contrebalancer la discrimination dont ils s'estiment victimes. Et leurs enfants «gênants» seraient accueillis dignement. Dans un mois, c'est la rentrée. Et si aucun Rodolphe et aucun parent ne restait sur le carreau ?