Comprendre ou punir ?

Qu’il est difficile de punir son enfant ! De nombreux paramètres entrent en compte et aujourd’hui, on a tendance à essayer de comprendre les enfants plutôt que les punir, même devant leurs débordements les plus excessifs.

La difficulté de punir

La punition, qui frustre l’enfant et le contrarie, provoque chez ce dernier des réactions de peine ou d’agressivité qu’il renvoie à l’adulte. Les « je ne t’aime plus » et autres « t’es plus ma maman » sont alors entendus comme de véritables dénis de parenté et pris au pied de la lettre. Cette remise en question de la relation vient parasiter l’exercice de la fonction parentale, la parentalité. Il devient alors d’autant plus dur de sévir que naît la culpabilité d’être un mauvais parent. Ce sentiment, renforcé par la crainte de traumatiser l’enfant en raison de l’affliction dont il ne manquera pas de faire état, sera d’autant plus vif qu’il accompagne l’idée que si l’enfant a commis une bêtise (celle pour laquelle il vient d’être sanctionné), c’est peut-être aussi parce qu’on n’a pas su l’en empêcher, que l’on ne sait pas se faire obéir sans crier ni sans faire de peine à son enfant…

Cette évolution des relations parents-enfants ne se fait pas simplement dans le sens d’un assouplissement par rapport aux notions couplées de droits et de devoirs. Car si l’époque, en effet, n’est plus à la toute-puissance du chef de famille vis-à-vis du reste de la famille qui lui devait respect et obéissance, elle est marquée par le développement de relations fondées sur la dualité respect et amour. Dans certaines dynamiques familiales, ces critères ont même radicalement pris le dessus, et les exigences de respect et de devoirs qui en constituaient les principes fondamentaux, ont été remplacées

par des ingrédients plus subjectifs tels que la séduction et le plaisir. Le parent craint alors de déplaire à l’enfant et les difficultés relationnelles, l’expression de conflits, les colères ou les bêtises sont perçues

comme l’expression de ce désamour. Il convient alors d’éviter au maximum de contrarier l’enfant, dans une inversion des attentes : c’est la sanction qu’on cherche à écarter, quelles que soient les raisons qui la justifieraient, de peur qu’elle ne provoque des réactions inappropriées. Du moins jusqu’à ce que les débordements deviennent si ingérables qu’ils provoquent en retour une punition encore plus excessive.

L’amour ne suffit pas toujours

Ce qui déséquilibre les rapports parents-enfant, quelles que soient les dyades relationnelles en question (respect/obéissance ou séduction/ amour), c’est le manque de réciprocité que ces rapports peuvent établir. Sur le modèle de relations univoques, soit ce sont uniquement les enfants qui doivent respect et obéissance, les parents n’ayant aucun compte à leur rendre, soit ce sont les parents qui doivent séduire

leur progéniture pour obtenir ce qu’ils attendent d’elle. Certes, il existe bien une certaine réciprocité dans ces interactions fondées sur le « je t’aime et tu m’aimes en retour », mais elle ne prend pas

toujours en compte la différence générationnelle et les rôles de chacun qu’engendre la filiation.

L’amour ne suffit pas et l’analyse la plus neutre des relations parents/enfants permet d’objecter que celles-ci ne sont pas symétriques : si elles sont bien sous-tendues par une base commune de sentiments (amour parental et filial, tendresse, attachement, confiance…), les droits et les devoirs de chacun sont présents, mais différents.

Plaire à son enfant ne doit pas constituer en soi une priorité dans la relation éducative. Éducation ne doit pas à rimer avec séduction. C’est avant tout une histoire de transmission : transmission de savoirs,

de règles de vie, de valeurs, en s’appuyant sur l’apprentissage de coutumes, d’habitudes, de modes de fonctionnement familial ou scolaire, où s’établissent les limites que détermine ce qui interdit et autorisé… Les facteurs qui conduisent à recourir aux punitions sont essentiellement de deux ordres : les éléments conscients et raisonnés que l’on justifie aisément, car ils correspondent à la dimension éducative, et les éléments plus inconscients et subjectifs, qui en constituent la part émotionnelle.



En savoir plus : "Se faire obéir sans (forcément) punir" du Dr Gilles-Marie Valet, aux éditions Larousse.


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