Se préparer à adopter : la question de la formation des parents

L’actualité nous impose ce thème pour la chronique du mois. La Russie vient d'exiger une "formation" des familles françaises qui souhaitent adopter. Bonne ou mauvaise décision ?

La Russie a été la première à exiger des familles françaises qui souhaitent adopter chez elle, de pouvoir faire la preuve d’une préparation sérieuse, quasiment d’une «formation», même si ce mot ne nous convient pas très bien. Disons une «sensibilisation» à ce que l’enfant va apporter à un couple : du bonheur, c’est vrai, l’accomplissement de ce dont ils rêvaient depuis longtemps, mais aussi une énorme perturbation, «avis de tempête», «bombe à retardement» disent certains parents ! La Russie fixe un cadre de 30 à 80 heures de formation, que chaque gouvernement régional précise : 30 heures ici, 50,5 heures là etc, avec des thèmes obligatoires, des contrôles… La Chine a emboité le pas avec une demande plus modeste : 12 heures de préparation. D’autres pays vont suivre.

Passons rapidement sur la réaction de parents indignés : demande-t-on cela aux familles qui mettent au monde leurs enfants ? Pourquoi alourdir encore la barque des parents adoptifs ? D’abord l’épreuve de la stérilité pour beaucoup d’entre eux, ensuite le stress de l’agrément, et encore une formation !

Réponse 1 : presque tous les pays d’Europe qui adoptent des enfants y sont venus depuis longtemps, parce qu’ils en ont reconnu le bien-fondé

Réponse 2 : les familles qui «font» leurs enfants sont aidés par leurs souvenirs d’enfance, par la voisine ou la belle-sœur,  par de nombreux livres aussi, et de plus aujourd’hui beaucoup demandent de l’aide car il n’est pas facile d’élever ses enfants dans le monde moderne.
Or les familles adoptives ont peu d’exemples semblables autour d’elles, ignorent ce que l’abandon qui précède l’adoption laisse comme traces chez nombre de nos enfants, et sont amenées aujourd’hui à adopter des enfants déjà grands qui arrivent avec un passé (les bébés sont de plus en plus souvent adoptés par des familles de leur pays d’origine, et les progrès de la contraception limitent peu à peu les abandons de nourrissons). «Ces enfants qui arrivent à 4 ou à 6 ans, on aimerait les choyer comme s’ils étaient des bébés, et rapidement on est obligés de formuler le premier «non» pour les empêcher de se mettre en danger ! C’est difficile à vivre pour nous comme pour l’enfant» me dit une maman qui vient d’accueillir le sien. Ces enfants ont un passé parfois lourd, et nous affrontent, à peine arrivés, à de vrais soucis éducatifs alors même que les liens ne sont pas encore créés.  Les solutions ne s’inventent pas si facilement !

Pour ces raisons et quelques autres encore, les milieux de l’adoption en France vont devoir se pencher sur une préparation des futurs parents, réfléchir aux traumatismes vécus par les enfants carencés ou maltraités, aux besoins spécifiques des fratries, des enfants atteints de handicaps, et aux questions que presque tous les enfants adoptés se posent, tôt ou tard, sur leur famille d’origine, et les raisons de leur délaissement. Un défi qu’il nous faut relever très rapidement.