Pourquoi oublie-t-on nos souvenirs d'enfance ?

Les adultes ont beaucoup de mal à se rappeler tous les détails de leur enfance. Les explications d'Alain Lieury, expert en mémoire.

Lorsqu’on observe la mémoire au jour le jour, les enfants, même petits, peuvent se rappeler d’une visite au zoo, ou des courses au supermarché, du dessin animé qu’ils ont vu la veille. Ils reconnaissent très tôt leurs parents et même leur mère quarante-huit heures après la naissance. Progressivement, les enfants reconnaissent les membres de la famille, les lieux qui les entourent, leurs jouets et leurs peluches, leurs livres et cassettes ou DVD. Ils connaissent aussi les pièces de la maison, les maisons de la famille ou des amis, les magasins, des chansons et des émissions de télévision ainsi que leurs animaux familiers. Enfin, bien qu’on n’y pense pas, les enfants ont stocké les milliers de mots du langage, qu’il faut bien mémoriser pour les reconnaître et utiliser.

Alors, pourquoi un jeune enfant se rappelle ces souvenirs au jour le jour mais pas lorsqu’il est devenu adulte ? C’est la mémoire épisodique qui en est à l’origine. La mémoire épisodique enregistre les moments de notre vie dans leur contexte, un visage à la maison, un visage au supermarché, un visage dans la rue… Mais les épisodes contenant les mêmes éléments (même visage, même nom, même image…) fusionnent pour construire un élément générique, comme le bateau, les courses dans les magasins, les visages de nos proches. Mais cette fusion détruit les épisodes d’origine. Ainsi se rappelle t-on du seul voyage qu’on a fait en avion, mais si on voyage beaucoup, tout va se mélanger pour ne plus se rappeler que le scénario général. Chez l’enfant, chaque épisode de la vie, le visage de ses parents, les courses dans les magasins, les jeux dans sa chambre... vont se mélanger de si belle manière qu’il n’y aura plus qu’un souvenir générique comme le visage de ses parents et les images des objets familiers, table, chaise, etc., que l’on n’a pas l’habitude d’appeler souvenir d’enfance et qui pourtant sont les premières bases de notre mémoire.

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