L’enfant doué dans la fratrie

Qu'il soit l'aîné, le cadet ou le benjamin, l'enfant doué peut ressentir quelques difficultés à s'intégrer dans sa famille. Conseils.

Ce titre est un peu faussé : le plus souvent, tous les enfants d’une même fratrie sont doués, mais, justement, certains le sont avec une grande discrétion.

L’aîné a été choyé en tant que premier né : à sa naissance, ses parents ont connu une émotion indicible dont ils garderont toujours le souvenir. On peut toujours évoquer ce moment avec un aîné épuisé par des cadets trop envahissants.
Les aînés, soucieux de perfection comme le sont les enfants doués en tout domaine, est horrifié de découvrir chez lui de la colère, ou, pire encore, de la jalousie envers ce bébé souriant qui attire tous les regards, mais il est trop soucieux d’harmonie, il refoule ces vilains sentiments et s’occupe avec dévouement de l’envahisseur innocent (et attendrissant aussi il faut bien le dire). Dès lors, l’aîné occupe véritablement sa place prestigieuse, assortie d’obligations et de responsabilités, quitte à refouler au plus profond l’agressivité qui le tourmente et peut, parfois, s’exprimer seulement par des manifestations somatiques.
Son attitude protectrice assure au cadet une sensation totale de sécurité qui peut être mise à mal sans qu’on s’y attende, par exemple, lorsque l’aîné entre à la grande école : son frère, resté  en maternelle, se sent perdu, abandonné, exposé à tous les dangers. Entre les deux, s’étaient nouées des relations finalement beaucoup plus  fusionnelles qu’on ne le pensait : les parents se réjouissaient simplement de  cette bonne entente et de la rareté des disputes.
Cette situation peut se reproduire tout au long de leur vie d’adultes : l’aîné sait, conseille, organise, décide même pour les autres.
Quand cet aîné, jusque-là uniquement entouré d’adultes, a toujours mal supporté sa place d’enfant ignorant, il profite de ce niveau statut, davantage chargé de responsabilités, pour tenter d’être considéré comme une grande personne lui aussi. Il s’insurge et discute, il n’est plus un bébé, on le sait bien puisqu’il y en a un tout neuf à la maison, il veut pouvoir imposer ses points de vue, ses décisions, sa volonté, en un mot ses caprices, bien déguisés en désirs mûrement réfléchis et convenablement étayés par des arguments longuement accumulés.
On peut lui rappeler qu’il reste tout de même un enfant qui a beaucoup à apprendre et que quelques responsabilités ne font pas de lui un adulte à part entière.

Le second, passé l’inévitable période d’exploration en tous sens des alentours, avec les dégâts qui l’accompagnent, se fait très discret, il observe intensément tous ces « grands », habiles et savants et rêve de les imiter. Petit, il tentait naïvement de s’y employer, sans peur du ridicule ni des rebuffades exaspérées du grand, il sait maintenant qu’il a besoin d’apprendre encore et de s’exercer longtemps avant de concrétiser ses rêves de réussite.

Il est d’autant plus discret que l’aîné le plus gentil ne peut s’empêcher parfois de rire de la maladresse et de l’ignorance de son cadet, si ingénu. Pour lui, parler est déjà prendre un risque. Certains bégaiements trouvent là leur origine : une fois adulte, une prise de parole devant un auditoire peut virer au cauchemar.

Les parents ne songent pas toujours à  faire passer un test : il est si calme, si réservé… A leur grande surprise, ce cadet tranquille obtient un résultat parfois plus élevé que son brillant aîné.

L’arrivé du troisième ébranle ce délicat équilibre.

On parle souvent de « l’enfant du milieu » et de sa place inconfortable, mais il est aussi  soulagé de ne plus être l’éternel ignorant et le sempiternel maladroit, il devient à son tour un aîné, avec quelques avantages inhérents à cette place puisqu’on s’est employé à les lui attribuer.

Des clans se forment : les deux grands, les garçons ou bien les filles « je suis un garçon » répète consciencieusement un petit garçon coincé entre deux sœurs plus débrouillardes que lui et qui le lui font souvent remarquer. Ce rappel le réconforte.

Les enfants doués amplifient toutes leurs émotions : agacement douloureux de l’aîné qui a l’impression de se sacrifier, exaspération des plus jeunes qui ne peuvent se résigner à leur irrémédiable infériorité. Certains en éprouvent une colère que rien ne peut apaiser puisque le constat objectif de leur infériorité est toujours présent dans leur esprit. Ces sentiments véhéments ne s’apaisent pas avec le temps, ils s’enkystent et surgissent à nouveau beaucoup plus tard, à l’occasion d’un événement inhabituel dans leur vie d’adultes, avec une violence surprenante chez des personnes qui semblaient pourtant stables et paisibles.

Ces rapports subtils ne sont pas exactement les mêmes et surtout ne sont pas perçus de la même façon selon qu’il s’agisse de garçons ou de filles, mais ceci est une autre histoire.

De nombreuses histoires destinées aux enfants évoquent ces situations, on peut les leur lire au moment magique où ils vont glisser dans le sommeil après un réconfortant câlin.

Désamorcer les conflits en devenir est essentiel, c’est le gage d’une vie adulte harmonieuse où prime l’entente complice, source de bien des joies et dont les générations à venir recueillent encore les fruits.

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