L'enfant doué et la rentrée

La rentrée est souvent chargée d’un peu d’angoisse pour tous les enfants. Rares sont ceux qui ignorent le pincement bien spécifique rongeant sournoisement le cœur des écoliers. L‘enfant doué lui, vit la rentrée à sa façon.

  1. L'école maternelle

Quand il entre pour la première fois en maternelle, il est particulièrement heureux et excité à l’idée de pénétrer dans un lieu magique où il va découvrir quantité de choses nouvelles et intéressantes.

  • Du bonheur à la déception

Première déconvenue : il s’aperçoit que les autres enfants pleurent désespérément et il pense alors qu’il n’a pas dû très bien comprendre ce qu’on lui a expliqué. Loin d’entrer dans un paradis, il va pénétrer dans un enfer où ses parents, pourtant aimants et attentifs, sont obligés de le conduire.

L’enfant doué, tout comme l’adulte doué, pense toujours que les autres savent mieux que lui la façon dont il faut se comporter ; il a l’impression de ne pas posséder le mode d’emploi de l’existence que les autres connaitraient tout naturellement. On voit bien que ce sentiment, flou mais persistant, s’installe très tôt dans la façon dont les individus doués perçoivent la vie sociale.

Un peu plus tard, dans cette même classe de maternelle, il constate que les autres enfants sont encore des «bébés» comme en témoigne leur langage  rudimentaire : il trouve-là une explication logique à ces larmes qui l’ont surpris et il comprend déjà que les réactions des autres ne signifient pas toujours qu’il s’est trompé, mais le choc a été rude et il faut du temps pour que les marques s’estompent.

Elles peuvent ressurgir à l’occasion d’un incident, parce qu’il se sera heurté à un malentendu que sa sensibilité a rendu plus douloureux encore : on ne l’a pas compris, on lui a renvoyé de lui une image faussée qui le blesse, l’enfer, qu’il avait cru menaçant le premier jour, se déchaîne maintenant seulement.

  • Une perception différente des autres enfants

Il faut se souvenir que les enfants doués sont dotés d’une imagination sans limites, plus généralement tournée vers les catastrophes : même s’ils n’en laissent  rien paraître, ils entrevoient des drames affreux dès qu’ils pensent qu’une situation commence à se détériorer. 

Jamais ils n’oseront confier leurs tourments à leurs parents, dont ils savent bien que le pouvoir est très réduit à l’école et qu’ils ne veulent pas trop inquiéter. Ils se recroquevillent alors sur eux-mêmes, en espérant que la tornade qu’ils traversent finira par s’apaiser.

Quand surgissent des manifestations de tristesse, de désintérêt, de désenchantement, il faut toujours s’en inquiéter et en chercher les causes dans des événements récents, même s’ils ont semblé anodins et qu’on les pense sans doute oubliés.

2. L'école primaire

Entrer en Cours Préparatoire constitue une autre étape : la « Grande Ecole » semble bien attirante avec les livres, les cahiers, le matériel  scolaire  tout neuf qu’elle exige,  et, déjà peut-être, des devoirs.

Las !  L’enfant doué a déjà un peu appris à lire tout seul, il adore jouer avec les chiffres et effectuer des opérations : ce mécanisme lui plaît, il trépigne alors d’impatience quand il stagne interminablement dans des opérations élémentaires dépourvues de tout intérêt. Malheureusement, son habileté graphique ne vaut pas sa dextérité intellectuelle, il reste en CP.

A ce propos, on peut envisager assez rapidement une aide spécifique : parfois, aux dires de  certains graphothérapeutes,  un simple bilan suffit pour dédramatiser cette « maladresse » et éviter qu’elle ne gâche la scolarité pour quelques années encore si un blocage dommageable  s’installe.

3. Le Collège

Au moment d’entrer au collège, l’excitation teintée d’anxiété revient en force, surtout si ce passage modifie radicalement l’environnement scolaire. Alors qu’il ne semblait pas avoir noué de réelles amitiés, l’enfant doué clame avec conviction qu’il ne veut pas être séparé de «ses copains». Jusque-là, on ignorait qu’il en avait tant et qu’il leur soit tellement attaché…

En fait, il est terrifié à l’idée d’affronter un univers inconnu, entouré d’élèves bien plus avertis que lui, qui sauront déjà comment s’adapter à des exigences certainement écrasantes.

Les fantasmes terribles de ses débuts à l’école l’envahissent à nouveau, il prévoit un cauchemar. On a vraiment intérêt à mettre l’accent sur tous les aspects positifs de ce collège tellement effrayant vu de loin.

Pourtant, on sait l’importance du collège pour l’enfant doué, il conditionne le devenir de ses études et doit donc être choisi avec soin. Trop d’enfants doués s’éteignent et s’endorment si l’enseignement scolaire et les découvertes qu’il permet ne les enthousiasment pas : leur curiosité d’esprit les avait déjà poussés à explorer de nombreuses voies de savoir et donc à connaître depuis des années ce qu’on leur explique maintenant, et bien plus encore.

4. Le lycée

Longtemps on leur a dit que le lycée serait plus intéressant : c’est pourtant à ce moment-là, quand on ne s’y attend pas,  que surgit le piège le plus pernicieux et le plus perfide qui fait trébucher l’élève doué, peu accoutumé à fournir un véritable effort.

Ils sont encore trop nombreux à se noyer alors qu’on espérait que l’enseignement devenant plus varié, plus approfondi, allait les stimuler et les inciter à fournir, enfin, cet effort presque inexistant depuis le début de la scolarité.

Les élèves travailleurs, ceux dont le caractère s’accommode mal de notes médiocres, savent se reprendre, d’autres s’adaptent tout naturellement à cet enseignement : ils ont déjà une  vocation et ne veulent pas la gâcher parce qu’ils n’auront pas eu le courage de travailler autant qu’il le fallait.

De surcroît, c’est souvent dans ces classes que des amitiés se nouent plus facilement : la section choisie détermine déjà des affinités, la classe devient une équipe au travail, l’accomplissement dont on rêve se profile à l’horizon.

Le  parcours de la scolarité touche à sa fin, il a parfois été un peu chaotique, mais les embûches ont été surmontées, les égarements  vite corrigés, le lauréat se prépare maintenant aux concours, il a choisi sa voie, il est aguerri, il possède des armes ; pour son plus grand bonheur, il va faire profiter la société de ses dons qu’on a su  préserver et développer.

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