Sharenting : quels sont les dangers pour les enfants ?

Publier des photos de ses enfants sur Internet et les réseaux sociaux n'est pas sans risque. Pour cet été, l'association L'Enfant Bleu lance une vaste campagne pour sensibiliser les parents sur les dangers du "sharenting". Éclairage sur ce phénomène, avec les conseils de Michaël Stora, psychologue.

Sharenting : quels sont les dangers pour les enfants ?
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"Sharenting". Ce terme ne vous dit peut-être rien et pourtant, bon nombre de parents utilisent cette pratique qui consiste à partager sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Tiktok...) des photos ou des vidéos de ses enfants. Pendant l'été, ce phénomène est particulièrement répandu. Les parents postent sans vraiment réfléchir des contenus de leurs enfants, dénudés ou en maillot de bain, sans se douter des dangers auxquels ils les exposent. C'est pour cela que l'association L'Enfant Bleu a décidé de lancer une vaste campagne de prévention pour les parents, dans l'espace public et sur les réseaux sociaux, avec la sortie du livre La Folle aventure du doudou d'Emma (Havas Edition), téléchargeable gratuitement en format e-book ou consultable sur téléphones et tablettes. Quels sont les dangers du sharenting ? Quelles sont les recommandations ? Explications et conseils de Michaël Stora, psychologue et co-fondateur de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH).

Qu'est-ce que le sharenting ?

Le terme "sharenting" vient de la contraction en anglais de "sharing" qui signifie partager, et de "parenting" qui se traduit par parentalité. C'est une pratique qui désigne le fait de partager des photos ou des vidéos de ses propres enfants sur Internet et les réseaux sociaux. Selon les chiffres de l'Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numérique (OPEN), publiés le 2 mars 2023, en France, 53% des parents ont déjà posté du contenu sur leur enfant, et 91% d'entre eux l'ont fait entre la naissance et les 5 ans de l'enfant. 

Quels sont les dangers du sharenting pour les enfants ?

Les dangers du sharenting sont réels et nombreux. Les photos ou vidéos d'enfants, postées innocemment par les parents, peuvent être détournées par des personnes malveillantes. D'après les données de National Center for Missing and Exploited Children, repris par l'association L'Enfant Bleu50% des photos publiées sur les forums pédopornographiques sont des images prises par les parents et partagées publiquement sur leurs réseaux sociaux. 

Certaines photos ou vidéos peuvent également faire l'objet d'une usurpation d'identité, ou de cyberharcèlement

Comment protéger ses enfants du sharenting ?

Pour protéger ses enfants des dangers du sharenting, l'association L'Enfant Bleu recommande aux parents dans un premier temps de partager le moins possible leurs enfants sur les réseaux sociaux. Et si vous décidez de poster des photos ou des vidéos de vos enfants, il est important de limiter la portée des publications en configurant ses réseaux. Les parents peuvent en effet jouer sur les paramètres de confidentialité, si les publications sont privées ou publiques, si les contenus peuvent être vus par quelques amis ou seulement vous, etc. Sur Facebook, par exemple, vous pouvez sélectionner "Amis" ou "Moi uniquement" lorsque vous publiez. Sur Instagram, la case "Compte privé" dans "Confidentialité du compte" permet de rendre vos publications visibles uniquement par vos abonnés. Quant à Tiktok, vous avez également la possibilité de restreindre vos vidéos en cliquant sur "Qui peut regarder cette vidéo" au moment de publier. 

Le psychologue Michaël Stora conseille aussi aux familles de :

  • Demander aux enfants, dès qu'ils ont l'âge, s'ils autorisent leurs parents à mettre leur image sur les réseaux sociaux.
  • Échanger des photos dans un cadre restreint"Je leur conseille plutôt de privilégier les groupes privés Whatsapp ou Facebook où ils peuvent contrôler qui peut voir la photo. C'est une bonne manière d'échanger dans un cadre restreint", préconise Michaël Stora.
  • Montrer l'exemple aux enfants, car diffuser des photos de manière excessive n'aide pas l'enfant à juger de ce qui est bon ou pas de poster sur Internet. 

Que traduit cette surexposition des enfants sur Internet par leurs parents ?

Vouloir immortaliser des moments de vie et les montrer à ses proches a toujours existé et reste une réaction légitime et assez saine. En revanche, les partager à outrance sur les réseaux sociaux est différent : "Facebook ou Instagram sont des réseaux sociaux 'vitrines' sur lesquels il y a une démocratisation de l'image idéalisée. Autrement dit : on ne va pas y mettre n'importe quelle photo, pour se valoriser et montrer une image positive de sa vie", nous explique le spécialiste. Ce qui est publié sur ces réseaux ne représenterait donc pas la vraie vie, mais il s'agirait de plateformes où l'enfant serait considéré comme "une prolongation narcissique parentale, voire comme une forme de trophée".

"Facebook ou Instagram sont des vitrines où l'enfant est considéré comme une prolongation narcissique parentale, ou une forme de trophée."

Ce phénomène peut révéler aussi une fragilité narcissique chez le parent. Pour certains, si tel ou tel événement n'est pas photographié et partagé sur les réseaux, c'est comme s'ils n'existaient pas. Et surtout, c'est le regard des autres qui prime sur tout. "En effet, ces publications sont constamment likées et commentées. La reconnaissance devient ainsi proportionnelle au nombre de likes ou autres réactions (on peut désormais commenter chaque photo par un émoji triste, dégoûté, rieur...). C'est du jugement permanent", dénonce le psychologue. Alors qu'une fierté ou un moment joyeux partagé au sein de la cellule familiale devrait suffire à rendre heureux.

Même constat, sur les chaînes Youtube qui partagent le quotidien d'enfants avec leurs familles. Ces mêmes parents font des bénéfices sur l'intimité de leurs enfants. "Dans ce contexte, les liens psychiques ne sont pas très sains dans la mesure où certains parents ont des objectifs de nombre de vues ou de pouces bleues", souligne l'expert.

Merci au psychologue Michaël Stora, également co-fondateur de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH).
  • Exposer son enfant sur les réseaux, ce n’est pas toujours lui faire un cadeau… OPEN (2 mars 2023). : https://www.open-asso.org/actualite/2023/03/exposer-son-enfant-sur-les-reseaux-ce-nest-pas-toujours-lui-faire-un-cadeau/
  • Parents, bien configurer vos réseaux sociaux c'est protéger vos enfants. L'association L'Enfant Bleu. : https://enfantbleu.org/association/actions/sensibilisation/configuration-reseaux-sociaux-protection-enfant/