Familles recomposées : le mythe de l'harmonie

Pas toujours évident pour un enfant de trouver sa place au sein d'une famille recomposée... Béatrice Copper-Royer rompt avec l'idée selon laquelle ce changement serait harmonieux.

Familles recomposées : le mythe de l'harmonie
© Béatrice Copper Royer

Les familles recomposées sont légions. Deviendront-elles un jour le modèle dominant ? Nul ne sait, mais il est clair que de plus en plus d'enfants vivent leur quotidien avec un adulte qui n'est pas leur parent et des enfants qui ne sont pas leurs frères et sœurs.On remarque souvent que le désir des parents que "tout le monde s'entende" et que cela "ne pose aucun problème", peut venir occulter les efforts d'adaptation nécessaires et les tiraillements qui s'ensuivent.


Une situation complexe

Et pourtant les enfants, qui prennent le train en marche, si l'on peut dire, ne sont pas toujours aussi euphoriques ou, tout du moins ne trouvent pas toujours que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et reconnaissons que l'on ne peut pas rendre très simple une situation somme toute un peu compliquée ! Pourquoi serait-ce si facile de faire vivre sous le même toit des enfants qui arrivent d'horizons différents, avec des références éducatives souvent très éloignées et avec parfois en prime l'angoisse de trahir l'autre parent ? Les relations dans ces fratries recomposées n'ont aucune raison d'être moins ambivalentes qu'avec des frères et sœurs. Alors autant le savoir, Ils vont donc tous ensemble et tour à tour, se disputer, se réconcilier, se détester, s'adorer, s'ignorer, en fonction de leur âge et de leur affinités !

L'enfant trait d'union

Et quand survient une naissance, l'enfant "trait d'union" va jouir d'un statut privilégié et envié : celui de vivre avec ses deux parents ensemble. Son arrivée dans la tribu peut certes en réjouir quelques-uns, mais elle va aussi signifier aux plus incrédules que la situation n'est plus provisoire et qu'il va falloir sérieusement s'y faire. Les rebelles, quant à eux auront une formidable occasion d'exprimer leur colère et leur désapprobation...
Laisser du temps au temps paraît sage ! Et surtout ne pas forcer les sentiments, comprendre bien vite que les enfants n'ont aucune obligation d'amour, mais une obligation de respect, ce qui est différent. Bien souvent les parents, dans leur désir d'harmonie, veulent brûler les étapes ou se leurrent sur les affects éprouvés par les uns et les autres. Or l'agressivité, si elle doit être contenue, ne prendra une ampleur pathologique, que si son expression est interdite ou culpabilisée à outrance.
Si recomposer une famille peut être une magnifique expérience, riche d'ouverture, de générosité, de tolérance, il ne faut ni rêver, ni se faire trop d'illusion : cela ne va pas de soi.

Il faut du temps, de la patience, des efforts, des concessions, des limites aussi, pour que chacun trouve vraiment la place qui est la sienne et vive en harmonie, avec les autres et avec lui-même.

 Béatrice Copper-Royer est psychologue spécialisée dans la clinique de l'enfant et de l'adolescent. Elle est également cofondatrice de l'association e-enfance et auteur plusieurs ouvrages dont "Vos enfants ne sont pas de grandes personnes" publié aux éditions Albin Michel.


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