Viols sur mineurs : des spécialistes réclament la qualification de "crime formel"

Après le renoncement du gouvernement d'inscrire dans la loi un âge limite de "présomption de non-consentement" des moins de 15 ans, des médecins et spécialistes de la protection de l'enfance réclament que les violences sexuelles sur un enfant soient automatiquement reconnues comme "un crime formel".

Viols sur mineurs : des spécialistes réclament la qualification de "crime formel"
© Anna Yakimova - 123RF

[Mis à jour le 03/07/18] Depuis la présentation des trois volets du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles proposés par Emmanuel Macron, le gouvernement prévoyait que tout acte sexuel avec un mineur de moins de 15 ans serait qualifié de viol, autrement dit, d'inscrire dans la loi un âge limite de "présomption de non-consentement" des mineurs de moins de 15 ans. Il promettait également d'alourdir les peines en cas de pénétration d'un majeur sur un mineur de moins de 15 ans. Or, après trois jours de débats mouvementés à l'Assemblée nationale en mai 2018, le gouvernement en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, présidé par Marlène Schiappa, renonce à cette présomption, craignant ainsi une censure constitutionnelle. Cet abandon de loi ouvre ainsi la voie à une requalification des viols sur mineurs en "atteintes sexuelles avec pénétration" lorsque ces dernières se font "sans contrainte", qui passerait alors du crime au simple délit. Les violences sexuelles d'un majeur sur un moins de 15 ans seraient donc passibles d'un procès au tribunal correctionnel, mais non aux assises, comme le prévoyait le texte de la secrétaire d'Etat.

"Le viol d'un mineur doit être encore reconnu comme un crime". En attendant que le texte soit débattu, en deuxième lecture, les 4 et 5 juillet prochains au Sénat, un collectif de psychiatres et juristes demande - dans une tribune publiée le 1er juillet dans le Monde - la création "d'un crime formel de violence sexuelle à un enfant", dans la mesure où un adulte a eu une relation sexuelle avec une personne de moins de 15 ans. "Jamais un enfant ne peut donner un consentement éclairé à des relations sexuelles avec un adulte", affirment les auteurs de la tribune, dont l'ancienne défenseure des enfants Claire Brisset, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik ou encore, l'ex président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig.  Ils réclament que "dès lors que les faits sexuels sont établis, le crime [doit être] avéré sans qu'il y ait lieu de s'attacher à l'attitude de l'enfant". Pour les signataires, le texte du gouvernement, en l'état, implique de devoir prouver le non-consentement de l'enfant, or, ce dernier "ne pouvant par nature pas consentir à un acte sexuel". Les conséquences de "ce traumatisme pouvant être irrémédiables". Ils évoquent notamment deux affaires récentes, celle d'un viol d'une jeune fille de 11 ans par un homme de 30 ans qui avait été acquitté en novembre 2017 et celle de la requalification d'un viol sur une autre fillette du même âge en "atteinte sexuelle" l'an dernier. 

Agir contre les violences sexistes et sexuelles : que promet le gouvernement ? En plus de l'inscription dans la loi de l'âge minimum de consentement à un acte sexuel, deux autres projets de loi contre les violences sexistes et sexuelles sont actuellement en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Ils concernent l'allongement du délai de prescription des crimes sexuels sur les mineurs - ces derniers pourraient déposer plainte jusqu'à trente ans après leur majorité contre vingt ans actuellement – ainsi que la verbalisation du harcèlement de rue ou "outrage sexiste", selon Nicole Belloubet, ministre de la Justice.