Lutte contre les violences faites aux enfants : où en sommes-nous ?

A l'occasion de la journée nationale de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants, la ministre de la Santé Agnès Buzyn fait le point sur les actions menées, un an après le lancement du premier plan interministériel.

Lutte contre les violences faites aux enfants : où en sommes-nous ?
© 123rf_Marja Flick-Buijs

[Mise à jour du 2/03/2018]. L'an dernier, Laurence Rossignol, alors ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des Femmes, avait présenté le premier plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants. Des chiffres sous-estimés et une absence de statistiques officielles, des violences taboues, encore trop souvent "reléguées au rang de faits divers ou dissimulées au sein des foyers", un manque de connaissance et de prise en charge des victimes… Tel est le constat de la maltraitance infantile en France.

Ce vendredi 2 mars, la ministre de la Santé Agnès Buzyn, fait le point sur ce plan interministériel 2017-2019, qui contient 23 mesures, déclinées en 72 actions. Améliorer les connaissances, sensibiliser, prévenir, former pour mieux repérer, et accompagner les enfants victimes font partie des principaux objectifs de ce plan de lutte. "De nombreux enfants continuent d'être victimes de violence, toutes sortes de violences, à un niveau qui n'est pas tolérable. Je ferai donc de cette lutte contre les violences, ma priorité absolue, mon combat", a déclaré Agnès Buzyn lors d'un point presse. "Je souhaite protéger les enfants contre les brutalités physiques et morales, dont nous savons qu'elles peuvent entraîner la mort", a ajouté la ministre de la Santé. Cette journée nationale de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants est donc l'occasion de rappeler les mesures essentielles visant à mieux protéger les enfants de toutes formes de maltraitance. Où en sommes-nous aujourd'hui ? On fait le point.

Le recensement des cas de maltraitance. Lors de l'audition de la France en janvier 2016, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies avait déploré l'absence de statistiques officielles relatives aux violences faites aux enfants. Cette année, un recensement statistique annuel a été mis en place, grâce à un travail de mise en réseau des données (ministère de l'Intérieur, ministère de la Justice, Santé publique France). Selon les chiffres de l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) publiés le 16 janvier 2018, 67 enfants sont décédés de morts violentes en milieu intrafamilial en 2016, ce qui fait plus d'un décès par semaine. Pour autant, "le travail va se poursuivre au sein d'un comité d'experts national piloté par l'ONPE et la DREES", précise le ministère.

Sensibiliser au syndrome du bébé secoué. Les données sont largement sous-estimées, notamment chez les nouveau-nés, victimes de morts inattendues et inexpliquées pouvant dissimuler des homicides souvent liés au "syndrome du bébé secoué" ou encore à une mort à la naissance par asphyxie, noyade ou abandon sans soin. Par conséquent, les recommandations de la HAS datant de 2007 et relatives à la prise en charge en cas de mort inattendue du nourrisson seront de nouveau diffusées auprès des professionnels de santé. Rappelons qu'en cas de mort inattendue du nourrisson et en cas de présomptions de violence sur l'enfant, des examens approfondis comme une autopsie doivent être mis en place systématiquement. En juillet 2017, la HAS a également publié une fiche mémo intitulée "Maltraitances chez l'enfant : conduites à tenir".

Lever le tabou de l'inceste. La notion d'inceste n'a été introduite dans le Code pénal qu'en mars 2016 ! Et les conséquences physiques et psychologiques une fois adulte sont nombreuses (dépression, surpoids, difficultés affectives…). Afin de mieux comprendre et analyser les connaissances sur l'inceste, et repérer les risques, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a remis un rapport sur l'inceste le 26 avril 2017 avec des propositions. Il vise notamment à déterminer le point de départ et le délai de prescription de ces crimes sexuels, à permettre aux enfants victimes de témoigner et à mieux les accompagner au quotidien et pendant les procédures judiciaires.

Prévenir les drames. Généralement, les enfants morts des suites de violences intrafamiliales ont déjà fait l'objet de violences répétées. Pire encore, ils étaient en contact avec diverses institutions, sans avoir été protégés ! Une analyse systématique des situations menées par les Observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) doit permettre de formuler des recommandations pour améliorer le dispositif existant et ainsi éviter que de tels drames se produisent.

Promouvoir une éducation bienveillante. Le plan de lutte vise à promouvoir une éducation bienveillante auprès des parents, en leur proposant un soutien à la parentalité afin d'agir en prévention. Le livret "première naissance" envoyé dès le 5e mois de grossesse aux futurs parents et contenant des repères essentiels sur les droits de l'enfant et l'éducation non violente, a été actualisé en intégrant la prévention du syndrome du bébé secoué, les conséquences des violences sur l'enfant, et la limitation du temps passé devant les écrans chez les tout-petits. Les parents d'adolescents reçoivent désormais un autre livret (dès 11 ans), pour les aider à traverser ensemble cette période. Enfin, le carnet de santé de l'enfant a également été mis à jour afin de promouvoir une éducation positive auprès des parents.

Des campagnes d'information et de sensibilisation promouvant notamment le numéro vert 119 – Allô Enfance en Danger sont mises en avant. Le gouvernement rappelle d'ailleurs que l'affichage du numéro est obligatoire dans tous les lieux publics accueillant des enfants. Par ailleurs, une convention a été signée en mars 2017 entre le SNATED (119) et Solidarité Femmes (3919) pour développer les liens entre les deux numéros verts. Enfin, le ministère en charge de l'Enfance et de la Famille ainsi que la Voix de l'enfant ont mis en place plusieurs campagnes d'information pour lutter contre les violences faites aux enfants

Mieux repérer et prendre en charge les enfants en danger. Le plan prévoit la mise en place de médecins référents sur les violences faites aux enfants dans tous les hôpitaux. Chaque établissement doit, depuis le 31 décembre 2017, désigner un médecin référent sur la base du volontariat. Un guide a également été élaboré afin de permettre aux professionnels en contact avec les enfants de mieux repérer et accompagner les victimes. Enfin, la thématique des violences a été intégrée dans les formations des professionnels de santé et des travailleurs sociaux. Le plan prévoit par ailleurs le développement de l'offre de soin pour une prise en charge spécifique des psycho-traumatismes liés à la violence. 

L'exposition des mineurs à la pornographie. De plus en plus de sites internet à caractère pornographique sont accessibles aux plus jeunes, sans aucun contrôle, et généralement dès l'âge de 11 ans. Pour limiter l'accès à ces sites, le gouvernement compte renforcer la sensibilisation auprès des enfants et adolescents, mobiliser les fournisseurs d'accès, développer de nouveaux moyens techniques, et renforcer le soutien à la parentalité numérique.