"Il faut prendre en compte l'intérêt de l'enfant"

Le Journal des Femmes a rencontré Marc Chabant, directeur éducatif de la Fondation Action Enfance.

"Il faut prendre en compte l'intérêt de l'enfant"
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En février 2016,la proposition de loi sur la protection de l'enfance, destinée à améliorer la vie des enfants placés (près de 300 000 enfants en France) et à leur offrir plus de stabilité, a été adoptée par le Sénat. Le Journal des Femmes a rencontré Marc Chabant, directeur éducatif de la Fondation Action Enfance, qui accueille, protège et éduque les enfants en danger jusqu'à l'âge adulte, tout en privilégiant les fratries dans des Villages d'Enfants. Il nous livre son opinion sur la protection de l'enfance*.

La proposition de loi vise principalement à améliorer le quotidien des enfants, mais replace aussi l'intérêt de l'enfant au cœur des préoccupations. Jusqu'à présent, la mission de la protection de l'enfance était d'aider et de soutenir les parents, dans le but que l'enfant retourne dans sa famille. Les mesures de placement, permettant de ne pas exposer l'enfant aux situations conflictuelles en cas de procédure de divorce ou de négligence éducative par exemple, sont donc provisoires. L'enfant est alors placé le temps que la situation s'améliore. Mais dans d'autres cas, notamment lorsque l'enfant est victime de maltraitance ou de violences physiques ou sexuelles, voire en cas de problèmes psychiques des parents, la perspective du retour au sein de la famille n'est pas possible. Dans ces situations, le placement de ces enfants n'est pas adapté puisque ces derniers sont souvent placés dans différentes familles d'accueil, tout au long de leur enfance, sans savoir réellement pendant combien de temps ils y resteront. Pour Marc Chabant, "il faudrait revoir cette notion de "provisoire", en prenant davantage en compte l'intérêt de l'enfant". 

Mieux définir les actes nécessitant une autorité parentale

Lorsqu'un enfant est placé, ce sont les parents biologiques qui ont l'autorité parentale. Mais certains d'entre eux ne sont pas en capacité de décider pour leur enfant. "Nous avons en charge, dans un village d'enfants, un garçon de 13 ans que nous avons accueilli lorsqu'il avait 9 mois alors que sa maman était psychotique", raconte Marc Chabant. "Bien qu'elle ne soit pas en mesure de s'occuper de lui, nous devons la solliciter régulièrement pour lui demander son autorisation au quotidien puisqu'elle a l'autorité parentale". Peut-il aller dormir chez son copain de classe ou se rendre à un anniversaire ? "Si la mère ne répond pas, nous devons solliciter l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) mais le retour n'est pas toujours fait à temps et l'enfant ne peut se rendre chez ses amis le vendredi qui suit". La loi ne définit pas clairement quels sont les actes usuels ou non usuels, regrette le directeur de la fondation. 

⇒ La proposition de loi devrait se pencher sur cette question afin de mieux définir ce qui est autorisé ou non sans l'accord des parents, et améliorer ainsi le quotidien des enfants. Désormais, lorsque l'enfant sera placé, une rencontre entre l'enfant, les parents et l'ASE sera organisée afin de déterminer les actes pour lesquels l'autorisation parentale devra être appliquée. Elle donne également un certain nombre d'éléments permettant de réfléchir davantage au statut de l'enfant, à savoir s'il est sous la responsabilité de ses parents biologiques, ou "pupille de l'Etat". 

Le délaissement parental en question

Le lien avec les parents est indispensable pour l'enfant. Quelles que soient les situations familiales, l'enfant a la possibilité de rencontrer ses parents, si besoin, en présence d'une tierce personne. Parfois, les parents ne donnent plus de nouvelles pendant des mois voire une année. Une procédure de délaissement parental peut alors être mise en place afin de simplifier les procédures et retirer partiellement ou totalement l'autorité parentale en la confiant à l'ASE. Mais dès lors que la mère ou le père témoigne d'un lien ou de sa présence, ne serait-ce qu'en envoyant une carte postale, cette procédure est interrompue. 

Avec cette proposition de loi, la procédure de délaissement parental ne pourra être rompue que lorsque le parent montre un véritable intérêt éducatif pour son enfant.

Vers un meilleur accompagnement des adolescents

L'Etat prend en charge les enfants placés jusqu'à l'âge de 18 ans. Lorsqu'ils sortent de foyers ou de familles d'accueil, aucun accompagnement ne leur est proposé, hormis des bourses ou des aides... Difficile donc pour eux de se débrouiller seul pour démarrer leur vie. 

Un protocole devrait définir comment accompagner les adolescents entre 16 et 21 ans. La proposition de loi ouvre donc une réflexion sur le suivi des jeunes et amène une prise de conscience autour de cette problématique. "Je souhaiterais qu'il y ait toujours la possibilité du retour pour ces adolescents", espère Marc Chabant. Dans les Villages d'Enfants par exemple, les jeunes placés tout au long de leur enfance, gardent contact avec le personnel éducatif et peuvent les solliciter pour toute question ou en cas de besoin au cours de leur vie adulte. Enfin, selon Marc Chabant, cette proposition de loi, qui représente "une réelle avancée en matière de protection de l'enfance" pose un certains nombre de désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat, principalement en raison du manque de moyens financiers permettant de mettre en application ces décisions auprès des départements. 

*Propos recueillis en 2016.