Conseil
 
14/02/2008

Comment parler de la Shoah aux enfants ?

Nicolas Sarkozy a émis le souhait qu'à la prochaine rentrée scolaire, chaque élève de CM2 "se voit confier la mémoire d'un enfant français victime de la Shoah". L'avis d'un pédopsychiatre sur cette proposition.
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L'EXPERT
 
 

Par Patrick Ben Soussan, Pédopsychiatre

 

Que pensez-vous de la proposition de Nicolas Sarkozy ?

Pour moi, elle n'a pas de sens. Il y a confusion entre le devoir de mémoire et le devoir d'Histoire. Tous les enfants ont besoin de connaître leur propre histoire et celle à laquelle ils appartiennent avec un grand H. Mais personne ne peut leur imposer la mémoire des victimes de la Shoah, ce culte des morts, des martyrs et de la repentance. Je ne vois pas pourquoi le pouvoir politique devrait formuler pareille injonction. Les enfants n'ont pas à porter la dette de leurs aînés. Cette responsabilité est bien trop lourde !

"C'est jouer sur le registre des émotions"

Confier la mémoire (le nom et l'histoire) d'un enfant victime de la Shoah à un élève de CM2 peut-il être traumatisant ?

Cette personnification à l'extrême d'une victime aurait un impact affectif sur les enfants. Jumeler un élève de 10 ans (donc en plein développement psychique) avec un enfant martyr susciterait des mécanismes d'identification forts. C'est jouer sur le registre des émotions, du romanesque. Cela me parait dangereux ! Chaque enfant, en fonction de son caractère et du contexte socioculturel dans lequel il évolue, réagirait différemment mais il me semble que pour certains, naîtraient des sentiments de culpabilité. Pour d'autres, peut-être un sentiment d'injustice. Pourquoi ne parle t-on pas des victimes de la guerre d'Algérie ou du génocide rwandais ? On peut même provoquer sans le vouloir un regain d'antisémitisme !

 
Appel à témoins
 
 
  •  Pour ou contre un devoir de mémoire sur la Shoah en CM2 ? Témoignez !
 

Mais alors quand et comment parler de la Shoah aux enfants ?

Bien avant le CM2 si le support est adapté ! Il s'agit de relater des faits historiques, de rendre compte d'événements passés. Pour cela, les livres, les documents photos, vidéos mais aussi les musées, les mémoriaux ou encore les témoignages de survivants ou de familles déportées peuvent servir d'outils de recherche et de compréhension. Après, c'est toute la difficulté de transmettre de manière lucide et honnête tout en intéressant les enfants au sujet. Certaines personnes, enseignants ou témoins ont un don de passeur. Mais nul besoin de personnifier les victimes comme le suggère la proposition du Président.

Lire aussi Patrick Ben Soussan : "Les enfants sont capables d'affronter la mort"

Voir aussi L'Internaute Actualités


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