Les principales dates du scandale Lactalis

Lactalis, le premier groupe laitier mondial, est accusé d'avoir vendu du lait infantile contaminé par des salmonelles. Lots retirés massivement, accusations, plaintes déposées… Retour sur une affaire qui ne cesse de prendre de l'ampleur.

Les principales dates du scandale Lactalis
© Kirill Ryzhov - 123RF

Nouvelle étape sur le plan judiciaire dans l'affaire Lactalis. En effet, le mardi 9 octobre 2018, le pôle santé publique du Parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour "tromperie sur les qualités des marchandises", "blessures involontaires" et "inexécution par un exploitant du secteur alimentaire de procédures de retrait ou de rappel d'un produit préjudiciable à la santé". Au terme d'un plus de 9 mois d'enquête préliminaire et après l'analyse de plusieurs milliers de documents saisis lors des perquisitions sur quatre sites de Lactalis à la mi-janvier, un juge d'instruction s'est vu confié la suite de l'affaire Lactalis. Il est désormais en charge d'enquêter sur l'origine des contaminations à la salmonelle des laits infantiles. Ainsi, les investigations devront "se poursuivre dans un autre cadre juridique, plus adapté", estime aujourd'hui le Parquet de Paris. Et de rappeler qu'au total, plus de 300 plaintes ont été comptabilisées au pôle santé publique. De son côté, Michel Nalet, le directeur de la communication de Lactalis assure à l'agence Reuters que le groupe allait "collaborer bien entendu avec la justice". 

Retour sur les débuts de l'affaire Lactalis 

Samedi 2 décembre 2017 : Vingt nourrissons âgés de moins de six mois ont été contaminés par des salmonelles, informe la Direction générale de la Santé dans un communiqué. Des cas recensés depuis le mois d'août dans huit régions de France. Suite aux premiers résultats de l'enquête menée par Santé Publique France et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le ministère de la Santé indique que les enfants contaminés avaient tous consommé du "lait infantile 1er âge issu de productions élaborées entre mi-juillet et fin novembre sur un même site de production du groupe LNS-Lactalis".

Samedi 2 décembre 2017 à 20h20 : Suite à ces contaminations, la Direction générale de la santé (DGS) rappelle et retire 12 lots de laits infantiles commercialisés sous trois marques différentes (Picot SL, Picot Pepti Junior et Lactel Milumel Bio), soit un total de 200 000 boîtes de laits infantiles 1er âge. "Les parents qui disposeraient encore de boîtes de ces lots [ne doivent] pas les utiliser, qu'elles soient neuves ou déjà entamées", alertent les autorités sanitaires. "Ils doivent prendre contact avec leur pédiatre ou leur médecin pour se voir conseiller ponctuellement un lait de remplacement". De son côté, la Société Française de Pédiatrie émet une liste de recommandations d'urgence à destination des parents.

Vendredi 8 décembre 2017 : Avant de donner les résultats complets des analyses, Lactalis arrête la production de lait et de produits infantiles sur son site de Craon en Mayenne. Le groupe interrompt ses installations afin "d'y engager des mesures de nettoyage, de désinfection additionnelle, renforcée pour le futur".

Dimanche 10 décembre 2017 : 600 nouveaux lots sont retirés de la vente à la suite de 5 nouveaux cas de salmonellose chez des nourrissons : la commercialisation et l'exportation de laits et produits infantiles sont suspendues. Le ministère de l'Économie diffuse la liste des produits retirés dans un communiqué.

Lundi 18 décembre 2017 au matin : Quentin Guillemain, le père d'un nourrisson de 2 mois ayant consommé du lait infantile potentiellement contaminé porte plainte contre Lactalis pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "non-assistance à personne en danger". Sa plainte se destine également à la pharmacie qui lui a délivré l'un des laits censés être retirés de la vente. En parallèle, une association de parents qui souhaitent porter plainte contre Lactalis est en train de se constituer. L'UFC-Que Choisir annonce dans un communiqué vouloir déposer plainte contre Lactalis "pour tromperie" auprès du procureur de la République de Paris. En parallèle, 5 nouveaux lots de laits ont été retirés du marché : des laits en poudre de la marque Picot, premier âge, deuxième et troisième âges. Pour Lactalis, il s'agit d'"une erreur de liste : ces 5 lots ont été notifiés aux services de l'État, mais par la suite omis de la liste de l'arrêté ministériel qui a entraîné le rappel".

Jeudi 21 décembre 2017 : Lactalis annonce dans un communiqué sa "décision d'étendre le retrait et le rappel à l'ensemble des produits infantiles et nutritionnels fabriqués ou conditionnés à Craon depuis le 15 février 2017". Ce sont donc 720 lots qui s'ajoutent à la liste de lots de lait infantile déjà retirés des marchés français et internationaux.

Mardi 26 décembre 2017 : Le pôle santé publique du parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "blessures involontaires", "mise en danger de la vie d'autrui", "tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine" et "inexécution d'une procédure de retrait ou de rappel d'un produit" néfaste pour la santé. L'objectif ? "Faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles cette contamination a eu lieu", précisent les gendarmes de la section de recherches d'Angers et de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Mercredi 3 janvier 2018 : Dans son numéro du 3 janvier, l'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné accuse Lactalis d'être au courant de la présence de salmonelles dans son usine de Craon en Mayenne depuis le mois d'août 2017, suite à une inspection et de ne pas avoir rendu publique cette information. Le rapport d'enquête avait bien détecté la présence de bactéries de salmonelle "sur du matériel de nettoyage et sur les carrelages" de l'usine, la loi n'obligeant en rien à révéler ce type de rapports internes. De surcroît, "la fabrication de lait pour nourrissons est bloquée, mais pas celle des boîtes de céréales", précise Le Canard Enchaîné. Alors, l'usine serait encore active ? En réaction à ces accusations, Lactalis conteste les informations du journal et affirme que des produits à base de céréales sont toujours fabriqués par le groupe, mais dans d'autres usines que celle de Craon.

Mardi 9 janvier 2018 : E. Leclerc reconnaît avoir vendu, dans certains de ses magasins, 984 produits Lactalis concernés par le rappel du 21 décembre. En guise de justificatifs, le premier groupe français de grande distribution souligne "un problème de gestion de ses rappels de produits Lactalis dans plusieurs magasins". Par ailleurs, l'un des produits rappelés entrait dans le cadre d'une opération promotionnelle (opération prévue depuis trois mois) et certains lots concernés n'auraient pas été enlevés des rayons. Immédiatement, la DGCCRF a lancé "des investigations" chez le distributeur. De son côté, Leclerc affirme avoir identifié les 782 clients ayant acheté ces produits et est en train de les contacter individuellement.

Mercredi 10 janvier 2018 : Après Leclerc, d'autres enseignes reconnaissent avoir vendu des produits Lactalis malgré les rappels successifs : Auchan, Système U et Carrefour précisent avoir vendu des produits Lactalis après le 21 décembre ; Intermarché annonce stopper la vente de laits infantiles de la marque Milumel. En effet, 384 boîtes de laits ont échappé à la procédure de rappel de Système U et 434 produits dans la chaîne Carrefour. Après avoir vendu 52 produits Lactalis dans 28 de ses magasins, Auchan présente ses excuses et se dit "consterné pour ces erreurs subies par ses clients". Les clients sont en train d'être identifiés et contactés par chacun de ses magasins. Toutefois, plusieurs consommateurs annoncent vouloir porter plainte contre ces distributeurs, d'après le président de l'UFC-Que Choisir.

Jeudi 11 janvier 2018 : Parmi les 2 500 établissements contrôlés aujourd'hui, "91 détenaient des boîtes qui auraient dû être retirées : 30 grandes surfaces (possèdent en tout 500 boîtes), 44 pharmacies, 2 crèches, 12 hôpitaux et 3 grossistes", indique Bruno Le Maire, qui a immédiatement ordonné 2 500 contrôles de la DGCCRF supplémentaires dès la semaine prochaine. A eux seuls, les pharmaciens représentent près de la moitié des infractions relevées. "Par leur manquement, ces quelques pharmaciens mettent en danger la sécurité sanitaire, trahissent la confiance des patients et bafouent l'honneur de la profession. C'est inacceptable", s'indigne la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens Carine Wolf-Thal dans un communiqué, avant de présenter ses excuses "au nom de la profession" et d'"assurer [son] soutien aux familles qui auraient pu en pâtir". Et bien qu'il ait formellement demandé aux pharmacies de retirer de la vente tous les produits Lactalis depuis le 10 décembre 2017, l'Ordre se veut intransigeant et annonce vouloir continuer à prendre toutes les mesures nécessaires contre les pharmacies continuant à délivrer des produits incriminés par ces rappels. L'affaire Lactalis est grave et a donné lieu à des comportements inacceptables qui doivent être sanctionnés", déplore Bruno Le Maire dans une conférence de presse au ministère de l'Economie et des Finances. A l'issue d'une réunion à Bercy, les acteurs de la grande distribution ont promis un contrôle systématique en caisse des boîtes de lait infantile. 

Vendredi 12 janvier 2018 : suite à une rencontre avec Bruno Le Maire, le PDG de Lactalis s'engage à reprendre toutes les boîtes de lait infantile, produites dans son usine de Craon. "Lactalis reprendra tous les produits de lait infantile fabriqués sur le site de Craon, quelle que soit leur date de fabrication, dans tous les lieux de commercialisation, en particulier, la grande distribution et les pharmacies."

Dimanche 14 janvier 2018 : Très discret depuis le début de l'affaire, le PDG de Lactalis Emmanuel Besnier sort du silence. Il indique dans les colonnes du JDD que "12 millions de boîtes de lait ont été rappelées dans 83 pays", promet d'indemniser "toutes les familles qui ont subi un préjudice" et assure "un plan de contrôle sanitaire encore plus strict, en concertation avec les autorités". Toutefois, "certaines boîtes sont encore bloquées chez les distributeurs. Nous avons informé nos clients en leur envoyant les fichiers de tous les produits rappelés, accompagnés de textes et d'affichettes validés avec les autorités. Ensuite, c'est à eux de mettre en œuvre le retrait, soit en nous restituant les boîtes, soit en les détruisant sous contrôle", précise-t-il. 

Mercredi 24 janvier 2018 : Nouveau rebondissement dans le scandale Lactalis. "Les parents d'un jeune garçon ayant consommé du lait infantile contaminé aux salmonelles ont déposé une plainte auprès du tribunal de grande instance de Paris", selon l'AFP, avec constitution de partie civile pour "administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente" sur un mineure de moins de 15 ans. La plainte de la famille vise en effet le groupe laitier, en tant qu'auteur principal des faits, mais également les services de l'Etat (la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection de la population de la Mayenne et la Direction générale de l'alimentation, responsables des contrôles sanitaires et de la délivrance d'un agrément à l'usine), qu'ils estiment "complices" de Lactalis dans cette affaire, les accusant de n'avoir "volontairement pas effectué de contrôles sur la production de lait infantile", lors de leur visite du 5 septembre 2017. La famille, dont la plainte relève d'une qualification criminelle, passible de la cour d'assises, demande la désignation d'un juge d'instruction. Parallèlement à cette nouvelle plainte, des députés socialistes annoncent l'ouverture d'une commission d'enquête afin d'établir "la chaîne des responsabilités" et de tirer au clair tous les dysfonctionnements au niveau de l'entreprise Lactalis, de la grande distribution, de la surveillance administrative et de la communication du gouvernement. 

Jeudi 1er février 2018 : Dans une interview accordée aux Echos, Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, déclare que la salmonelle Agona (responsable de la contamination des laits infantiles) est "la même que celle de 2005, époque à laquelle nous n'étions pas propriétaire du site. Cette bactérie était confinée dans les infrastructures de la tour de séchage numéro 1", précise-t-il. Pendant 12 ans, cette bactérie n'a donc pas quitté le site de production. Pour cette raison, "on ne peut pas exclure que des bébés aient consommé du lait contaminé entre 2005 et aujourd'hui", avoue Emmanuel Besnier. Par ailleurs, la patron de Lactalis s'en prend au laboratoire extérieur chargé des analyses sanitaires réalisées dans son usine de Craon et remet en cause la fiabilité de ses tests : "ce n'est pas possible que 16 000 analyses réalisées en 2017 n'aient rien pu révéler", souligne-t-il. Ce même jour, le Centre de référence des salmonelles de l'Institut Pasteur confirme qu'il y a bien eu 25 nourrissons contaminés entre 2006 et 2016 par la même souche que celle identifiée en 2005, année où il y a eu 140 nourrissons touchés et fin 2017 (37 nourrissons touchés). Conclusion de l'Institut : "on peut scientifiquement penser qu'il y a eu contamination à bas bruit de cette usine durant toute la période 2005-2017 et que les travaux effectués dans l'usine en 2017 ont pu réactiver cette salmonelle". 

Mercredi 14 février 2018 : 30 nouvelles plaintes ont été déposées contre Lactalis. Parmi elles, l'association de consommateurs Foodwatch pointe du doigt 12 infractions mettant en cause le fabricant de laits infantiles, la grande distribution, un laboratoire et les autorités. "Les législations tant européennes que françaises font peser de nombreuses obligations sur tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Producteurs, distributeurs, laboratoire et bien sûr autorités publiques ne pouvaient les ignorer. Et pourtant, ils ont fait preuve de négligence [et] ont méconnu leurs obligations en matière de prévention des risques sanitaires", dénonce Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch dans un communiqué, Sept familles se sont associées à la plainte de l'association spécialisée dans les questions d'alimentation et exigent que Lactalis rende enfin des comptes. 

Comment s'informer ? En cas de doutes ou pour toute demande d'informations, n'hésitez pas à appeler le numéro vert mis à disposition par Lactalis (0800 120 120, ouvert de 9h à 20h) et celui de la Direction générale de la Santé (0800 636 636, 7j/7 de 9h à 20h), en cas d'apparition de symptômes, consultez votre pédiatre ou votre médecin généraliste.