Mon enfant a des complexes physiques : comment l'aider à s'accepter ?

"Poil de carotte !", "grande perche", "espèce de bigleux", les surnoms que les enfants se donnent entre eux sont parfois loin d'être tendres et peuvent faire naître certains complexes. Alors, que dire à un enfant complexé ? Quand faut-il s'inquiéter ?

Mon enfant a des complexes physiques : comment l'aider à s'accepter ?
© Dmitriy Shironosov - 123RF

Dents jugées trop grandes ou trop en avant, lunettes un peu trop imposantes, petite ou au contraire grande taille… Dès l'entrée en primaire, certains enfants commencent à exprimer des souffrances par rapport à des particularités de leur physique. Souvent pointées du doigt par leurs camarades de classe, ces critiques véhiculées par autrui peuvent être virulentes et faire naître en eux de véritables complexes physiques. Une, deux, trois remarques plus tard, l'enfant peut alors se focaliser sur certains aspects de son apparence, se trouver "moche", "disgracieux", mais également "différent" et "pas dans la norme". Alors, comment l'aider à se confronter aux jugements des autres et à s'accepter tel qu'il est ? Quelles sont au contraire les réactions à éviter ? Quand faut-il s'inquiéter et avoir recours à un psy ? Le psychologue pour enfants et adolescents Joseph Content nous aide à y voir plus clair.

A partir de quel âge un enfant peut-il être complexé ?

Avant 7 ans, l'enfant ne parvient pas toujours à faire preuve d'un regard critique sur lui-même et ses pairs. Passé cet âge, il développe une conscience de lui-même lui permettant de juger son physique et celui des autres. Il devient plus attentif à l'image qu'il renvoie, pointe les différences physiques des enfants de son âge, peut se comparer et vouloir être "comme dans les autres". D'autant plus que "le complexe naît toujours du regard des autres", affirme Joseph Content, "un regard pas toujours facile à accepter, surtout lorsqu'il ne correspond pas à la personne que l'on voudrait être". Mais que traduisent véritablement ces complexes ? Au-delà de la disgrâce physique à proprement parler, le complexe est révélateur d'une "vulnérabilité psychique" et "d'un manque de confiance en soi", pointe le psychologue. A cela s'ajoutent les canons de beauté et les tendances véhiculées par la société, les médias (magazines, internet, télévision…) et les réseaux sociaux. Et confronté aux idéaux et stéréotypes de la société, l'enfant va alors se forger une représentation de ce qu'il faut faire, être ou porter pour être dans la norme et être accepté. A partir du moment où quelqu'un lui faire part d'une remarque désobligeante sur son physique, il peut alors se poser des questions : "si je ne réponds à tel code, je ne suis certainement pas dans la normalité et je vais me faire rejeter par mes camarades". Ainsi, "la quête de la normalité est si forte qu'elle va faire naître en lui un ou plusieurs complexes physiques qui peuvent altérer sa perception et son estime de soi", explique Joseph Content. Autre influence possible, "les enfants qui entendent leurs parents évoquer leurs propres complexes physiques évoluent selon l'idée qu'il faut être conforme aux normes diffusées par les médias", prévient également l'expert.

Que dire à un enfant complexé ?

"Maman, j'ai des dents de lapin !", "Papa, tout le monde m'appelle binoclard à l'école"… Face au mal-être de leur enfant, les parents peuvent avoir tendance à atténuer ses souffrances ou les nier et faire comme si elles n'avaient pas lieu d'être. Des réactions inutiles et pas bénéfiques pour l'enfant. Au contraire, le psychologue conseille aux parents d'"écouter l'enfant" et de "l'inviter à verbaliser ses émotions autour de cette souffrance". Toutefois, évitez les formulations stigmatisantes du type "Mon pauvre, tu n'as pas de chance" ou "ne t'inquiètes pas, ça va s'arranger" : en plus de souffrir de son complexe, l'enfant se sentira incompris et impuissant. De la même façon, le plaindre risquerait d'accentuer sa peine ou sa gêne du défaut physique. Pour l'aider à accepter cette particularité physique, le mieux est de faire appel aux figures d'attachement de l'enfant : les chanteurs, les personnages de série ou les sportifs qu'il aime et auxquels il peut facilement s'identifier. En essayant de puiser dans l'histoire de l'enfant, vous allez l'aider à transformer ce que l'enfant vit comme une faiblesse en véritable atout. Concrètement, si votre enfant subit des moqueries à cause de ses tâches de rousseur ou de sa grande taille, prenez l'exemple d'une star populaire aux mêmes particularités physiques et prouvez-lui qu'il est loin d'être le seul à avoir cette caractéristique physique et qu'il peut même en jouer. Rassurez-le en lui parlant de votre propre vécu et en lui expliquant qu'on a tous des particularités physiques qui nous sont propres et que c'est normal d'en avoir : "ce sont d'ailleurs ces particularités qui permettent de se construire en tant que personne unique", tient à rassurer le psychologue, avant d'ajouter "qu'au fil du temps, on est soi-même capable de transformer une différence en véritable qualité".

Sans aller jusqu'à modifier ce qui ne doit pas l'être (faire une teinture, envisager une opération du nez…), vous pouvez essayer d'estomper l'objet de disgrâce, ce qui l'aidera à se sentir plus en confiance et plus à l'aise avec son apparence. Lorsque cela est possible, optez pour une autre paire de lunettes, ayez recours à un appareil dentaire, ou proposez-lui un soin anti-acné. Enfin, vous pouvez l'aider à faire face aux moqueries ou insultes de la part des autres enfants en lui donnant quelques éléments de réponses ainsi que les outils pour avoir la bonne attitude. Tout en lui expliquant que les enfants se moquent généralement car ils ont peur de la différence, Joseph Content invite l'enfant à faire appel à l'empathie de l'autre en lui disant "aimerais-tu que je me moque de toi ?" ou "que dirais-tu si je te faisais une remarque sur ton physique ?" : cela lui permettra d'avoir une meilleure répartie. Et si l'expression "on ne peut pas plaire à tout le monde" sonne comme une évidence, elle permet également de relativiser les jugements négatifs des autres.

Quand s'inquiéter ?

L'expert tient à rassurer les parents : "on a tous eu des remarques désagréables sur notre physique et il n'y a rien d'alarmant à cela". Oui, les complexes sont inévitables et ne doivent pas inquiéter à outrance. Toutefois, veillez à ce que ces remarques ne conduisent pas à une véritable mise à l'écart voire à du harcèlement scolaire. Auquel cas, le parent peut contacter l'enseignant ou le directeur de l'école et faire part de ses inquiétudes. Enfin, si le dialogue parents/enfants permet souvent de dédramatiser les complexes physiques et d'apaiser les doutes de l'enfant, certains signes qui perdurent peuvent toutefois alerter et révéler une souffrance sous-jacente plus profonde : déprime, isolement, repli sur soi, refus d'aller au sport ou à une activité extrascolaire, baisse des résultats scolaires peuvent traduire un malaise significatif et "il convient alors de s'orienter vers un psychologue, une aide extérieure qui saura trouver les mots et les solutions pour aider l'enfant à retrouver confiance en lui ainsi que des rapports sains et harmonieux à l'école", conclut-il.

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