Mères fusionnelles : "l’une est l’autre"

Les mères fusionnelles entretiennent une relation trop proche avec leur fille menaçant leur capacité à grandir et à devenir autonome. Interview de Sonia Prades, psychologue et auteure de "Telle mère, quelle fille ?"

Mères fusionnelles : "l’une est l’autre"
© Cathy Yeulet

Ressembler à sa fille, tout lui dire, lui envoyer des SMS à longueur de journée… Les mères fusionnelles entretiennent une trop grande proximité avec leur fille et ont tendance à oublier que celle-ci est un être à part entière. Pourtant, il est essentiel qu'une certaine distance soit maintenue pour que l'enfant grandisse de façon équilibrée. Sinon, la question de la différenciation est menacée et il est alors difficile pour l'enfant de devenir autonome… Sonia Prades, psychologue et auteure de "Telle mère, quelle fille ?", nous éclaire sur cette situation.

Comment reconnaît-on une mère fusionnelle ?

Sonia Prades : Il y a des signes qui ne trompent pas. Une mère fusionnelle a pour habitude de dire "on" au lieu de "ma fille". Elle a l'impression qu'elles sont toutes les deux interchangeables. Pour se justifier, elle assure : "c'est ma fille, je sais tout d'elle" ou encore "elle est tout pour moi". Elle est dans la fusion et dans la confusion. S'il n'y a pas de profil type, les mères seules, qui ont une unique  fille ont peut-être plus de risques d'entretenir une relation fusionnelle.

Quelle relation entretiennent-elles ?

Dans une relation fusionnelle, il y a en fait un cordon ombilical virtuel, ancré au moment de la préadolescence, entre la mère et la fille. Elles sont en effet toutes les deux en contact permanent même lorsque cela est inutile. Elles sont ainsi capables de s'envoyer 300 SMS par jour. Or, il est pourtant essentiel pour une adolescente de braver les règles, en particulier celles posées par sa mère. Ce contact ininterrompu met donc en péril cette situation et la relation mère/fille. De plus, la plupart des mères fusionnelles cultivent la ressemblance avec leur fille : l'une est l'autre. Ainsi, les mères se disent qu'elles sont jeunes comme leur fille. Il faut dire que le culte du jeunisme est valorisé par la société. Il faut en effet à tout prix gommer les différences générationnelles. Pourtant, ces femmes ne doivent pas oublier qu'elles ont une expérience de vie que n'a pas leur fille, atout non négligeable ! Ces femmes éprouvent aussi  le besoin de tout dire à leur fille. Ce sont des adultes en déséquilibre qui sont souvent dans des situations précaires. En étant fusionnelles avec leur enfant, elles se donnent l'impression qu'il n'y aura pas de jugement. Elles ont le sentiment de se protéger mutuellement mais c'est faux !

Quelles conséquences pour l'enfant ?

Elles sont nombreuses. Une fille qui grandit avec une mère fusionnelle présente par exemple des difficultés à se démarquer d'elle. Il est également plus compliqué pour elle de se séparer de sa génitrice lorsque celle-ci s'est surinvestie dans sa vie de mère. Elle culpabilise alors de laisser sa mère seule lorsque vient le moment de la séparation. Il y a ainsi des filles qui ont 27 ou 28 ans et qui vivent encore chez leurs parents.

Comment sortir de cette relation ?

Chaque histoire est singulière, spécifique. Cependant, la mère et la fille peuvent s'appuyer sur divers supports tels que des séries, des films comme par exemple LOL, et en discuter ensuite pour essayer de sortir de cette relation. En ce qui concerne la fille, il faut qu'elle sorte et qu'elle ait des activités à l'écart de sa mère. Avoir un correspondant étranger peut-être une idée intéressante. L'adolescente va ainsi devoir s'adapter au fonctionnement d'une autre famille, ça créé un espace d'ouverture. Quoi qu'il en soit si une mère fusionnelle et sa fille se posent des questions, qu'elles essayent d'y répondre, c'est déjà un grand pas.

Sonia Prades est auteure de "Telle mère, quelle fille ?" aux éditions Leduc.s.