Ode à l'atelier et au savoir-faire chez Christian Dior haute couture

C'est une véritable ode au savoir-faire de la maison Christian Dior que Maria Grazia Chiuri a décidé de faire à travers son défilé haute couture automne-hiver 2018-2019, qui se déroulait le 2 juillet 2018 dans la cour du Musée Rodin. Pour l'occasion, cette dernière s'était transformée en un majestueux atelier de couture. Décryptage.

Ode à l'atelier et au savoir-faire chez Christian Dior haute couture
© Imaxtree

Une scénographie hommage

Pour sa collection haute couture automne-hiver 2018-2019, la directrice artistique italienne a décidé de mettre en lumière les couturières de la maison Dior, mais aussi leur exceptionnel savoir-faire depuis le commencement en 1947, ainsi que leur environnement de travail, le sacro-saint atelier. Cet endroit intemporel est décrit, sur le compte Instagram de la marque, comme "une source d'inspiration". Il est "le berceau de chacune des magnifiques collections de haute couture de la Maison : un lieu de travail extraordinairement exigeant mais aussi un environnement d'épanouissement personnel, de réflexion".
Afin d'évoquer au mieux cet espace singulier, la designer a tenu à faire un clin d'œil très explicite à l'incroyable exposition de 2017 au Musée des Arts Décoratifs de Paris : "Christian Dior, couturier du rêve", comme une continuité de cet événement culturel. Pour ce faire, les murs du cube blanc, érigé dans l'enceinte du Musée Rodin, furent intégralement recouverts de mannequins couture encastrés dans des niches immaculées et parfaitement éclairées, reproduisant ainsi très fidèlement la pièce à couper le souffle imaginée dans le cadre de la rétrospective de 2017. Ces 294 bustes sur pied étaient tous vêtus de prototypes en toile des modèles de cette collection haute couture automne-hiver 2018-2019, permettant alors aux murs de faire écho au catwalk tout en montrant le processus de fabrication. Et pour sublimer le tout, le plafond miroir doublait majestueusement le volume du lieu, donnant une impression de vertige aux spectateurs mais surtout rendant justice à l'ampleur du travail prodigieux des petites mains de la griffe.
Outre la beauté à couper le souffle de cette scénographie très efficace, quel magnifique hommage à ces personnes de l'ombre au talent stupéfiant !

Une incroyable démonstration de prouesses techniques

Que serait un hommage au savoir-faire des couturières d'une maison comme Dior sans une collection exceptionnelle déployant tous ses talents, toute sa technique et toutes ses traditions ? Pour cette saison haute couture automne-hiver 2018-2019, Maria Grazia Chiuri a su se montrer, une nouvelle fois, à la hauteur de ses ambitions avec une impressionnante série de remarquables toilettes, montrant toutes un travail méticuleux, habile et d'une incroyable précision, mais surtout démontrant qu'en 2018, la griffe Christian Dior excelle plus que jamais grâce à ses équipes, maintenant Paris au rang de capitale mondiale incontestable de la mode.
Au cœur de cette mémoire de la couture qu'est l'atelier reconstitué du Musée Rodin, la maison Dior nous a montré des prouesses remarquables dans le travail et la maîtrise de la fluidité des matières, des broderies, des coutures - avec de magnifiques motifs graphiques Art Déco en reliefs -, mais surtout des plissés - sur les jupons des robes, les bustiers mais aussi sur des manteaux et jupes 7/8ème-.
Concernant les traditions de cette maison historique, Maria Grazia les conserve évidement pour garder l'ADN Dior, mais modifie certaines coupes et pièces iconiques de manière inattendue pour en accentuer les effets. Elle revient ainsi aux fondamentaux, tout en les détournant pour se les réapproprier, les réinterpréter et ainsi garder une liberté de création maximale.  Les manches de la veste Bar s'évasent de manière disproportionnée pour devenir des ailes de chauve-souris tandis que le béret-bibi à voilette voit son cabillou s'allonger démesurément telle une antenne : de quoi déstabiliser les puristes et désennuyer les moins réac' via ces habiles réinventions.

Une évolution crescendo de la Femme à travers des pièces fortes

Tout au long de show Dior haute couture automne-hiver 2018-2019, on observe une évolution de la Femme à travers ses toilettes. Le défilé se déroule en trois temps, montrant ainsi trois facettes d'une femme qui apprend à s'assumer et s'imposer de manière crescendo.
Au commencement, la femme Dior de cette saison arbore des vêtements incroyablement bien coupés, travaillés tout en pudeur et minimaliste. Les décolletés sont masqués par des chemisiers nude boutonnés plus qu'il n'en faut, les cols des robes montent au ras du cou, les tissus sont épais, rigides et très opaques, les couleurs basiques et discrètes (noir, gris, bleu marine, kaki, nude et rose poudré) : des silhouettes rétro-chic d'une grand sobriété, rappelant le look des femmes de l'après-guerre des années 1918.
La seconde partie de la collection est un véritable spectacle visuel mettant en scène des robes du soir éblouissantes, dévoilant le corps d'une femme qui veut alors tout montrer et séduire. Les matières se font très fluides et sont travaillées avec beaucoup plus de sophistication, les décolletés deviennent ultra profonds, les bustiers dévoilent les épaules, les mousselines, tulles et autres voilages transparents révèlent la poitrine des mannequins et les broderies et plumes chargent de plus en plus les silhouettes pour ne surtout pas passer inaperçu. Quant aux tissus, ils brillent, virevoltent et se parent de couleurs de plus en plus chatoyantes (parme, corail, turquoise, mordoré). Une nouvelle femme est née !
Pour finir, les six dernières silhouettes du défilé montrent des robes sculpturales en soie colorée (pétrole, parme, mordoré, vermillon et vert amande) cousue d'une seule pièce, symbolisant ainsi une femme accomplie, résistante et sûre d'elle, n'ayant besoin d'aucune fioriture ou provocation pour être vue et entendue.

Maria Grazia Chiuri met donc une fois de plus le statut de la Femme au centre de sa collection et magnifie son allure grâce à des créations toujours plus renversantes. De quoi nous donner l'eau à la bouche en attendant son défilé prêt-à-porter été 2019 à la rentrée prochaine.