Françoise Montenay : entretien avec la Présidente de la maison Chanel

A l'occasion des 80 ans de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, Françoise Montenay, Présidente de Chanel SAS et du Comité Colbert, nous a livré son point de vue sur la mode, le marché du prêt-à-porter et la maison Chanel.

Françoise Montenay : entretien avec la Présidente de la maison Chanel
© Chanel/Karl Lagerfeld

Que vous évoquent les 80 ans de la Fédération française du prêt-à-porter féminin ?
Françoise Montenay : Le prêt-à-porter a joué un rôle prépondérant dans la mode en général, surtout ces 10 dernières années, que ce soit par ses tendances, son audace ou la façon dont il est mis en valeur. Aujourd'hui, les journalistes de mode du monde entier ont un regard attentif sur la mode française. D'ailleurs, nous les recevons quatre fois dans l'année, tandis que dans les autres capitales de la mode, il n'y a que deux fashion weeks par an.

Cette année, la Fédération a souhaité mettre en avant la transmission du savoir-faire et du métier. Qu'est-ce que cela vous évoque ?
Ce thème est vraiment important pour moi. Ce sont des choses auxquelles je tiens : les valeurs françaises, les valeurs familiales, l'idée de transmission d'une société à la génération suivante, mais aussi d'un savoir-faire.

Où se situe Chanel dans tout cela ?

Avec la crise, j'ai peur que la mode aille trop dans le raisonnable, le basique

C'est une société à capital privé, avec ses propres valeurs. Nous assurons une fabrication française pour l'essentiel de nos collections, sauf pour les chaussures qui sont faites en Italie. Nous nous montrons également très fidèles vis-à-vis de nos fournisseurs. Nous avons notamment racheté sept ateliers d'art (un bottier sur mesure, un brodeur, un chapelier, un plumassier...) justement parce qu'ils n'avaient pas pu assurer la transmission de leur savoir-faire. En échange, ils s'engagent à trouver des jeunes pour assurer la pérennité de l'entreprise. Ces entreprises sont regroupées dans une entité baptisée "Par affection" : cela en dit long !

Quel est votre regard sur l'évolution du marché de la mode aujourd'hui ?
J'ai peur que les financiers prennent le pas sur les créateurs, qu'on aille trop dans le raisonnable, le basique... C'est une tentation forte car cela marche sur le coup mais au bout de 2 ans, on constate que la marque a perdu de son contenu. Chez Chanel, nous avons la chance d'avoir un directeur artistique (Karl Lagerfeld, NDLR) qui ose et qui nous amène toujours plus loin. Les collections ont énormément évolué depuis son arrivée en 1983, tout en restant dans une même architecture. C'est notre force.

Que pensez-vous des films qui ont été réalisés ces derniers temps sur la fondatrice de la maison ?
J'ai beaucoup aimé le film d'Anne Fontaine (Coco Avant Chanel, NDLR). J'ai trouvé qu'il rend admirablement bien l'époque et l'histoire de cette fille, partie de rien du tout et qui finit par réussir. Audrey Tautou a vraiment très bien réussi à transmettre le côté fort et à la fois fragile du personnage. Concernant les modèles, nous avons été consultés sur les costumes. Les créations présentées dans les défilés à la fin du film sont d'ailleurs issues de nos collections.

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