Laurent Voulzy, prince de Belem

INTERVIEW - Après le Moyen Âge dans "Lys & Love" et un disque à deux voix avec Alain Souchon, Laurent Voulzy fait sa rentrée en beauté avec "Belem", une ode à la samba et à la bossa-nova. De ses inspirations à la concrétisation de son rêve brésilien, en passant par ses souvenirs personnels, celui qui a rendu nos cœurs grenadine se confie sur son 9e album studio. Entretien au bord de l'eau.

Laurent Voulzy, prince de Belem
© Rogério Van Krüger

Rockcollection, Le Cœur grenadineBelle-Île-en-Mer, My Song of You, Le Soleil donne, Le pouvoir des fleurs, Désir Désir... Laurent Voulzy, c'est une vague de tubes ensoleillés qui caressent le paysage musical. Une douceur dans la voix, des mélodies enveloppantes et des collaborations avec Alain Souchon qui bercent les oreilles des Français depuis 40 ans. À 68 ans, et après une tournée avec son complice de toujours, le chanteur revient avec un 9e album studio : Belem. Bien plus que la sortie d'un nouvel opus, le compositeur réalise son rêve brésilien avec dix titres gorgés de soleil.
Véritable ode à la samba et à la bossa-nova, le disque déploie aussi de savoureux clins d'œil à la carrière de Laurent Voulzy avec une reprise de My Song of You et l'éclosion d'une chanson écrite alors qu'il n'avait que 17 ans. Premier extrait de l'album, Spirit of Samba apparaît comme un Rockcollection à la sauce brésilienne grâce à un medley bien pensé de standards du pays. Alternant morceaux apaisants et notes entraînantes, chansons dans la langue de Molière et paroles brésiliennes, riffs de guitares enregistrés sur la plage de Rio et collaborations heureuses, Belem est un cocktail addictif à consommer sans modération.
À l'occasion de la sortie de ce nouvel album, Laurent Voulzy nous a accordé une interview (presque) les pieds dans l'eau. C'est sur la péniche des Jardins du Pont Neuf, sur l'Ile de la Cité, que nous l'avons retrouvé. Malicieux, souriant et bien dans ses sneakers, cette figure de la variété nous a parlé de Belem, de son trip brésilien et de ses souvenirs avec bonheur et générosité dans un entretien tout en humilité. Embarquement immédiat.

Journal des Femmes : Qu'est-ce que Belem a de particulier par rapport à vos autres albums ?
Laurent Voulzy : Il m'est arrivé de faire des albums composés de successions de chansons sans thème précis. Belem a un vrai fil conducteur : la musique brésilienne.

Pourquoi avoir choisi ce titre ?
On est arrivé à la fin de l'enregistrement de l'album et je n'arrêtais pas de me dire "va falloir que je lui trouve un titre quand même", mais rien ne me venait. Un jour, Philippe Cohen Solal qui a travaillé avec moi sur Spirit of Samba a dit "Belem" et ça m'a parlé, ça sonnait bien. C'est une ville du Brésil, mais c'est aussi un magnifique trois-mâts breton et j'ai toujours adoré la Bretagne. En faisant des recherches sur le bateau, j'ai appris qu'on l'appelait "le petit antillais" car il avait fait plusieurs passages par les Antilles après ses liaisons pour le Brésil. J'ai trouvé ça fou d'avoir tant de choses en commun avec ce mot : mon titre était tout trouvé.

"Parfois on garde des rêves de côté pour se dire que le meilleur reste à venir"

Qu'est-ce que vous aimez dans la musique brésilienne et quels sont les artistes qui vous inspirent ?
C'est difficile d'expliquer ce qui me plaît tant dans la samba ou dans la bossa-nova, c'est une question de ressenti. Cette musique me transporte. Il y a un balancement, une façon de bouger les corps que j'adore. Les mélodies sont belles et la manière de chanter correspond à mon timbre de voix, assez doux. A 16 ans, j'ai commencé à craquer pour la musique brésilienne en écoutant la chanteuse Astrud Gilberto, le guitariste Baden Powell et toutes les chansons d'Antônio Carlos Jobim.

Pourquoi avoir attendu 68 ans pour réaliser votre rêve brésilien ?
Je suis incapable de me l'expliquer ! J'ai souvent eu de très fortes envies d'aller au Brésil, notamment lorsque je rencontrais des musiciens brésiliens, que je voyais des reportages sur le pays ou lorsque je retravaillais certains morceaux. Puis on prévoit des vacances ailleurs, un projet nous embarque dans d'autres sphères et les décennies passent sans que l'on s'en aperçoive. Un jour je me suis dit "mais enfin pourquoi n'y suis-je encore jamais allé !" et je suis parti pour les besoins de l'album. Dans un sens ça m'a permis d'apprécier encore plus ces dix jours passés là-bas. Parfois on se garde des rêves de côté pour se dire que le meilleur reste à venir.

"Certaines chansons n'étaient pas prévues sur l'album"

Vous avez écrit Timides à 17 ans. Quel a été le déclic pour que vous sortiez enfin cette chanson ?
Timides fait partie des chansons qui n'étaient pas prévues sur cet album, comme Tombée du jour sur la Plage de Grumari - que j'ai enregistré sur la plage car le moment était magique - ou Rio - que j'ai composé au piano de ma chambre d'hôtel. Puisque l'ordre était totalement chamboulé, j'ai décidé de sortir Timides de mes cartons. C'est une chanson que j'ai écrite lorsque j'avais 17 ans et inspirée par une très jolie fille qui était aussi timide que moi. Je n'imaginais jamais la sortir un jour car, inconsciemment, je pensais qu'elle n'avait pas sa place sur l'album d'un adulte. C'était ma petite chansonnette d'ado. Je l'ai dévoilé sur Belem car c'est la toute première bossa-nova que j'ai écrite.

L'album s'articule autour de Spirit of Samba, un hommage de 18 minutes aux tubes brésiliens, divisé en trois morceaux. Racontez-nous la construction de cette chanson.
Spirit of Samba est une idée originale de Philippe Baden Powell. Cela faisait deux ans qu'il devait la sortir mais sa maison de disque a déclaré forfait. Je lui ai donc proposé qu'on le fasse ensemble, et Philippe Cohen Solal, créateur de Gotan Project, nous a aidés. Le travail sur ce titre a été super agréable puisqu'on a pioché dans un répertoire génial. Après avoir fait le choix des musiques, il a fallu que l'on décide à quel moment elles allaient apparaître. C'est un casse-tête qui demande beaucoup de patience, mais qui s'est transformé en super jeu de construction.

Pouvez-vous nous parler de vos collaborations sur Spirit Of Samba ? 
Sur ce titre, tous les musiciens sont brésiliens. Côté voix, on peut entendre quatre chanteuses. Il y a Eloisia, une Brésilienne qui était dans le groupe Nouvelle Vague; Luisa Maita, elle aussi brésilienne qui vient de la scène rock-samba et que j'ai découvert sur internet; Nina Miranda, une anglo-brésilienne qui faisait partie du groupe anglais Smock City, et enfin, Chyler Leigh, une Américaine que l'on connaît tous très bien puisqu'elle jouait Lexie Grey dans Grey's Anatomy. Son mari a un groupe pop et lorsque l'on s'est rencontré il y a deux ans, on a vraiment sympathisé et on s'est promis de faire quelque chose ensemble.

"L'eau c'est mon ADN"

Belle-Île-en-Mer, Le rêve du pêcheur, Slow Down ou encore Septième Vague et maintenant les plages de Rio dans Belem : d'où vient cette fascination pour la mer ?
J'ai toujours été attiré par l'eau. Quand j'étais petit, je pouvais regarder une mare pendant des heures et je rêvais de monter sur un bateau. Encore aujourd'hui, je ne me lasse jamais de la mer, j'adore aller dedans et en sortir pour la regarder. Cette passion remonte à loin. J'ai été fabriqué sur une île en Guadeloupe, puis ma mère a traversé l'Atlantique pour accoucher à Paris. J'ai aussi des ancêtres marins. L'eau c'est mon ADN.

Après tant d'années de succès, appréhendez-vous la sortie de ce 9e opus ?
Bien sûr ! Pour être totalement honnête, un peu moins qu'avant.. et cela ne me plaît pas vraiment. Je ne sais pas d'où ça vient, mais je sais que je ne serai jamais blasé, j'aime réellement quand les gens apprécient mon travail.

Quels sont vos projets ?
Je suis en pleine préparation d'un spectacle musical sur Jeanne d'Arc, c'est un projet très lourd. J'ai aussi créé un label avec lequel je vais produire une chanteuse. Sinon, je ne sais pas, je me suis toujours surpris à enregistrer des disques qui n'étaient pas prévus comme c'était le cas pour La Septième Vague.

Pour terminer, quelques questions autour de l'eau :

Vous noyez-vous souvent dans un verre d'eau ?
Non, ça va.

N'avez-vous jamais pensé à quitter le navire de la musique ?
Jamais !

Êtes-vous en proie au vague à l'âme ?
Pas tellement, sauf dans des circonstances particulières comme des douleurs sentimentales.

Où vous sentez-vous comme un poisson dans l'eau ?
Lorsque je suis en compagnie de gens avec qui le courant passe bien.

Qu'est-ce qui vous semble être la mer à boire ?
Prendre des décisions. C'est bien simple, je n'y arrive pas ! Soit je mets énormément de temps, soit je tire à pile ou face.

Y a-t-il parfois de l'eau dans le gaz avec Alain Souchon ?
Non. Il y a peut-être eu quelques bulles par-ci par là d'une durée de 12 secondes, mais rien d'important.

Belem, disponible depuis le 1er septembre 2017 chez Columbia / Sony Music France