LP : "J'ai eu du mal à faire accepter mon image et ma musique"

RENCONTRE - LP est l'auteure-compositrice qui se cache derrière le tube "Lost On You". Voix puissante et coupe courte à bouclettes, la chanteuse est encore peu connue (mais pas pour longtemps). Elle s'est confiée sur ses débuts difficiles, son public et ses influences.

LP : "J'ai eu du mal à faire accepter mon image et ma musique"
© Víctor Lerena/SIPA

"Appelez-moi LP", se présente-t-elle. Pour se démarquer des autres, Laura Pergolizzi aborde un look androgyne et ses initiales en guise de pseudo. Une identité qui lui va comme un gant, selon elle. A 35 ans, celle qui a été parolière pour Rihanna, Christina Aguilera et les Backstreet Boys a enfin trouvé sa voix. Après un début difficile, l'interprète de Other People, auteure dans la vie mais chanteuse passionnée dans l'âme, a écrit près de 140 chansons à la genèse de sa carrière. Après un contrat avec le label Warner Bros. et un album qui n'a jamais vu le jour, c'est finalement le label indépendant Vagrant qui lui a donné une réelle chance de réussir. Détendue et souriante, l'artiste à la voix puissante, longtemps incomprise, est venue à notre rencontre dans le hall du Terrass Hotel. De ses défaites comme de ses succès, elle en tire aujourd'hui une grande leçon de vie : si on aime quelque chose, il faut tout donner. 

Vous avez travaillé dans l'ombre pendant une grande partie de votre carrière. Quel a été le déclic qui vous a poussée vers l'interprétation ?
J'ai toujours voulu être auteure et interprète. J'avais quelques contrats avec de grands labels qui n'ont jamais porté leurs fruits. C'est pendant cette période que j'ai beaucoup écrit. J'ai adoré travailler avec d'autres artistes. Quand l'on veut faire quelque chose, il faut foncer. Si on est écrivain, on doit écrire. Pendant deux ans, j'ai rédigé des textes, mais lorsque l'on écrit, on doit aussi enregistrer une maquette de chacun de nos titres. Les gens savaient donc que je pouvais chanter et ils m'ont encouragée à le faire.Je me produisais dans des clubs, juste pour m'amuser et petit à petit, je me suis créé un public. Tout s'est très rapidement enchaîné et me voilà !

Qu'est-ce que ça fait de se retrouver sur le devant de la scène ?

"Il y a toujours une symbiose entre le créateur et l'audience"

Je me sens vraiment à l'aise, que ce soit devant une cinquantaine de fans ou plus de 5 000 personnes. La transition de l'anonymat à la scène s'est faite facilement parce que j'ai toujours chanté comme si j'étais face à un grand public. Ma valeur dépend d'eux. Il y a toujours une symbiose entre le créateur et l'audience ; je leur apporte quelque chose et en retour, leur enthousiasme me pousse à aller plus loin.

Quel a été votre premier contact avec la musique ?
Ma mère chantait souvent pour moi. Ça m'a toujours émue, mais jamais je n'aurais pensé en faire carrière. Je me voyais médecin ou quelque chose comme ça (rires) ! Puis, ma mère est décédée quand j'étais ado et j'ai réalisé qu'il fallait que je fasse quelque chose qui me plaisait. Mon père a toujours voulu une grande carrière universitaire pour moi. Il me disait que je ne pourrais jamais vivre convenablement en tant qu'artiste. Finalement, j'ai réussi !

Trois albums au compteur, 15 ans de carrière et on vous perçoit comme une nouvelle artiste en France grâce à "Lost on you" : ça vous fait quel effet ?   
C'est très difficile de raconter toute mon histoire, et ce n'est pas quelque chose que je veux souvent faire. Je ne veux pas paraître amère face à la vie parce que c'est très difficile de ne pas prendre les choses personnellement, lorsque l'on est artiste. Beaucoup de choses se sont passées et j'ai eu du mal à m'adapter. Ce n'était pas simple de faire accepter mon image ou ma musique, mais ce n'est pas grave. Beaucoup d'artistes passent du temps dans l'ombre au début de leur carrière. Tout le monde a un parcours différent.

© Maurizio D'Avanzo/IPA/SIPA

C'est de ça que parle votre nouvel album ?
Il évoque le passage de l'ombre à la lumière, mais de manière plus générale. Cinq chansons proviennent de mon EP. Other People est celle que j'ai écrite le plus récemment. J'avais besoin de temps après la fin de ma dernière relation pour pouvoir écrire sans donner l'impression de vouloir faire culpabiliser cette personne. Tightrope et Up Against Me évoquent ma nouvelle relation alors que No Witness parle du fait que je ne suis pas parfaite. Je parle aussi de la détermination à avoir ce que l'on veut et les conséquences que cela peut engendrer dans You Want it All. C'est très varié.

Allez-vous arrêter d'écrire pour d'autres afin de vous concentrer sur votre carrière de chanteuse ?
Non. Beaucoup de titres sont sur le point de sortir. J'ai une chanson dans le nouvel album des Kooks, une autre pour Charlotte OC, dont l'opus va bientôt paraître. J'aime bien écrire pour des groupes de rock ces derniers temps.

Quelles sont vos sources d'inspiration ?
Très souvent je m'inspire d'autres chansons ou de situations auxquelles je suis confrontée dans l'intimité. Le monde en général m'évoque un tas de choses, tout comme le conflit émotionnel.

Vous sentez-vous influencée par des artistes ? Lesquels ?
J'ai une dose de Freddie Mercury, de Mick Jagger, de Jeff Buckley et de Roy Orbison dans mon âme. La voix de Frank Sinatra m'a aussi marquée. Joni Mitchell et Lucinda Williams m'ont inspirée. Et Bob Dylan, bien sûr ! Il écrit de très beaux textes. Ce serait injuste d'être une auteure américaine sans reconnaître son talent.

On vous compare à lui : ça fait quoi ?
C'est un honneur, même si c'est sûrement à cause de ma coupe de cheveux !

Avec quels artistes rêvez-vous de collaborer ?
Ceux avec qui je veux travailler n'ont pas besoin de moi. Mais j'aimerais bien faire quelque chose avec Bruno Mars ou avec Adèle. Mon idéal pour le moment, ce serait ces deux artistes.

"Ce monde devrait plus se consacrer à l'acceptation de la différence"

Faites-vous référence à votre identité ou à votre sexualité dans vos chansons ?
Si je dois faire référence à une femme dans ma vie, je vais dire "elle". Je ne me censure pas dans ma musique, mais ça ne veut pas dire que j'insiste non plus. En me voyant, on sait ce que je suis et ce que j'aime, mais je ne vais pas m'obstiner à forcer les autres à écouter ce message. On me prend comme je suis, je ne vais pas me cacher. Certaines personnes ont du mal à le comprendre. On peut penser que j'essaie d'inciter mon public à accepter un message, mais pas du tout.

S'il n'y a pas de message, quel est le but de votre musique ?
J'essaie surtout de créer un lien. Ce monde devrait davantage se consacrer à l'acceptation de la différence. Je ne cherche pas à ce que mon public réagisse comme moi ou me ressemble, mais j'aime la diversité parce que je la trouve belle. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi certaines personnes cherchent à nous diviser. A quoi ça sert ? Ma musique est ma manière de communiquer et de rester connectée à tous ces gens qui m'entourent.

 

Où vous voyez-vous dans cinq ans ?
Sur une île (rires) ! J'espère écrire des chansons qui resteront importantes pour moi, même après les avoir chantées encore et encore. J'espère qu'elles parleront à d'autres personnes et qu'elles les aideront dans les moments difficiles.