Les dérives artistiques de Raphaël Thierry

Le Centre d'art Campredon de l'Isle-sur-la-Sorgue accueille la très belle exposition de Raphaël Thierry "Dérives" jusqu'au 15 juin. À travers ce parcours pictural original, chacun laissera son imagination voguer en toute liberté sur la Sorgue et les représentations poétiques imaginées par l'artiste.

Né en 1972 à Tunis, sorti Dragon d'or de l'École supérieure d'Arts Graphiques - le MET de Penninghen - en 1994 puis ancien pensionnaire de la Villa Médicis - Académie de France à Rome- de 2005 à 2006, Raphaêl Thierry nous surprend une fois encore avec une exposition regroupant peintures, installations, dessins, tous inédits et spécialement crées pour cette exposition et  reliés  les uns aux autres par la même thématique :  La dérive... Celle qu'il expérimente chaque jour dans son travail d'orfèvre comme une illustration parfaite des célèbres Essais de Montaigne (Livre III, Chap.II) : (...) "Je ne peins pas l'être. Je peins le passage ; non un passage d'âge en autre (...) mais de jour en jour, de minute en minute (...). Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m'essaierais pas, je me résoudrais ; elle est toujours en apprentissage et en épreuve."
...Et celle à laquelle chacun de nous se confronte jour après jour dans sa vie , qui fait que l'idée que l'on se fait de telle ou telle chose ne sera plus tout à fait la même la minute suivante, que les projets évoluent tout comme chacun progresse inexorablement vers "l'autre berge" à l'image de Quo Vadis I, cet homme qui pilote tête baissée un nego chin avec énergie vers une destination inconnue...

Portrait Raphaël Thierry © Féry-Larreur

Au rez-de-chaussée on découvre ainsi de salles en salles, de magnifiques fusains, un mandala de sable,  la célèbre "origine du monde" de Courbet rebaptisée "Dust to dust" et qui symbolise le côté éphémère des oeuvres - la poussière retourne à la poussière- , des installations comme "Ex libris (Quo Vadis)", une animation de 50 secondes, qui fait défiler les huit cents pages d'un Missel Romain sur lequel le peintre a exécuté sur chaque double page quatre cents lavis à l'encre de chine. Elle installe un discours original entre deux toiles sur le même thème tandis que l'on progresse vers des salles de plus en plus sombres en passant du blanc, au gris puis au noir.


Raphaël Thierry, Quo Vadis I, huile et laque sur toile 150 x150 cm © ADAGP 2013


Raphaël Thierry,Joconda, fusain sur papier ø 30 cm © ADAGP 2013


Arrivés dans la dernière salle, totalement noire, un oeil dérangeant "L'oeil était dans la tombe" nous accueille plus sévèrement que celui de "Joconda": une injonction à rebrousser chemin? Il  accompagne d'étranges roues horizontales qui répètent indéfiniment le cycle de la vie et de la mort tandis que "Vallis Clausa" propose une vanité osée : Alors que le corps de la femme  symbolise le plus souvent la vie et l'amour, ici il se transforme  indéfiniment en tête de mort...


Raphaël Thierry, Vallis Clausa, huile sur bois, bois, métal, moteur, 135x100x100cm, 2012 © ADAGP 2013

Mais Raphaël Thierry nous emmène aussi vers la vie grâce à une peinture très colorée en faisant référence sans cesse aux vers de René Char, célèbre poète résistant dont le Centre d'Art Campredon portait d'ailleurs initialement le nom. Qu'il nous propose de grands aplats colorés où seule la matière compte, des "Eaux profondes" et autres courants de couleurs ou de magnifiques portraits comme ceux de Camus, de son père ou bien le sien, son travail vibre d'un générosité propre aux l'Islois mais aussi d'un talent fou qui ne s'encombre pas d'à priori et réinvente sans cesse son horizon créatif. À voir absolument !


Raphaël Thierry, Capitaine Alexandre, huile sur toile 200 x150 cm © ADAGP 2013



Campredon Centre d'Art
20, rue du docteur Tallet, l'Isle-sur-la-Sorgue
Exposition jusqu'au 15 juin, gratuit pour les l'Islois - Visite guidée les 1er et 15 juin- rendez-vous à 15 heures.
Renseignements au 04 90 38 17 41