Le Cercle littéraire de Guernesey : sur les traces du film

Au cinéma le 13 juin, "Le Cercle littéraire de Guernesey" conte l'histoire de Juliet, écrivaine londonienne en panne d'inspiration, qui après avoir entretenu une correspondance avec un habitant de Guernesey décide de se rendre sur ce bout de terre anglo-normand. Un voyage au cours duquel la jeune femme se prend d'amitié pour quelques insulaires passionnés de littérature et encore hantés par l'Occupation. Comme Juliet, j'ai eu la chance de débarquer dans la charmante baie de Saint-Pierre-Port avant d'être conquise par cette île chargée d'histoire.

Le Cercle littéraire de Guernesey : sur les traces du film
© Studiocanal GmbH / Kerry Brown

Avant d'être un film, Le Cercle littéraire de Guernesey était un roman, intitulé Le Cercle des amateurs d'épluchures de patates. Sorti en 2008 et écrit à quatre mains par Annie Barrows et sa nièce Mary Ann Schaffer, le livre connaît un succès mondial, qui lui vaut aujourd'hui une adaptation cinématographique. Avant sa sortie en France le 13 juin, je suis partie à la découverte de cette petite île coincée entre l'Angleterre et la France, sur la trace des personnages hauts en couleur et des lieux remplis d'histoire dont parle avec délice ce long-métrage romanesque.

Arrivée en territoire insulaire

Depuis le ferry, j'aperçois au loin Saint-Pierre-Port, ses maisons pittoresques, ses bâtiments imposants et ses bateaux de pêche amarrés en contrebas. Une vision qui me rappelle celle de Juliet, l'héroïne du Cercle littéraire de Guernesey, éblouie en découvrant l'île pour la première fois. Quand je pose pied à terre, je suis accueillie par une charmante guide, qui me conduit dans cette petite ville portuaire fortement marquée par l'histoire de l'Occupation. Guernesey constitue l'un des seuls territoires britanniques à avoir été envahi par les Allemands durant la Seconde guerre mondiale. Un épisode trouble, raconté avec précision et justesse, dans le roman et dans le film. C'est la mention de l'évacuation des enfants, avant l'arrivée des forces ennemies, qui m'avait interpellée au visionnage et qui m'intrigue en débarquant. Cette séparation d'avec les parents — scène très émouvante dans le long-métrage — aurait pu avoir une fin tragique, m'annonce la guide, en me conduisant sur le ponton qu'ont pris les plus jeunes pour partir en Angleterre. Un ponton aujourd'hui orné de plaques commémoratives en souvenir du bombardement qui ôta la vie à 33 personnes, seulement quelques jours après la dernière évacuation.

© Studiocanal GmbH / Kerry Brown

Je m'éloigne du port pour m'engouffrer dans le cœur de la bourgade. La guide me montre les traces que les Allemands ont laissé de leur passage entre 1940 et 1945 : des noms de rue trop compliqués détournés en chiffres colorés, des coins où travaillaient les prostituées à leur service... J'apprends que 13 000 soldats étaient établis sur cette petite île de la Manche pour seulement 60 000 habitants. De quoi favoriser les rapprochements entre les jeunes Guernesiaises et les jeunes Allemands. Des relations amoureuses que le film aborde en profondeur en révélant les difficultés et le danger associés à ces histoires d'amour. Je finis ma visite par The Ship&Crown Pub, autrefois appelé The Crown Hotel. Un établissement où Juliet , dès son arrivée à Guernesey, rencontre le beau Dawsey, interprété dans le film par Michiel Huisman. On m'y donne la recette de la fameuse tourte aux épluchures de pommes de terre qui a fait la renommée du roman. Des pommes de terre, des oignons, des betteraves, un œuf, de la farine et le tour est joué. 

Une île empreinte d'histoire

Après cet instant culinaire, je quitte la ville principale pour me lancer dans un tour de l'île. L'occasion de découvrir que le territoire tout entier a été marqué par l'Occupation et la présence des forces allemandes. Je commence mon périple à la pointe de Jerbourg, non loin de la localisation de la ferme de Dawsey, telle qu'indiquée dans le livre. Trône sur une colline le Doyle Monument. Construit en 1820 mais détruit par un bombardement, l'édifice a vu son sommet être projeté plusieurs mètres plus loin, faisant désormais office de bac à fleurs. L'ironie du sort... En compagnie de ma guide, je traverse la campagne guernésiaise et passe devant un tunnel, qui à première vue n'attire guère l'attention. La guide m'explique qu'il a été construit par les Allemands pour en faire un hôpital militaire. Si je n'avais pas la certitude que l'île entière avait connu une épisode de guerre, j'en suis convaincue lorsque je me rapproche des côtes. De nombreux bunkers surmontent les falaises et des fortifications entourent les plages.

Sur la partie ouest de l'île, si de grandes plages de sable fin appellent aux bains de soleil, elles ont en vérité abrité des mines pendant la guerre, empêchant les alliés mais aussi les populations d'arriver ou de fuir. Plus au Nord, je suis marquée par une anecdote que m'expose ma guide. Elle m'indique une maison, où, enfant, elle allait souvent avec son père. Cette demeure était celle d'une vieille dame qui habitait avec ses chèvres : une habitude prise pendant l'Occupation pour éviter que les Allemands ne les lui prennent et fassent disparaître la race Golden Guernsey. Un fléau mis en lumière par le film : les insulaires étaient quotidiennement confrontés à la famine et à la misère, car contraints de laisser leurs denrées alimentaires aux occupants. Sur la route du retour, je jette un coup d'œil par la fenêtre. Je réalise que malgré ses drames et ses tourments, ce petit bout de terre britannique est tel que Juliet l'a perçu dans Le Cercle littéraire de Guernesey : un petit havre de paix chaleureux et harmonieux.