Abd Al Malik : "Je ne fais pas de différence entre un Coppola et un Camus"

Abd Al Malik était membre du jury Kiehl's de la Révélation au Festival du Cinéma Américain de Deauville. L'occasion pour l'auteur-compositeur-interprète et cinéaste de nous expliquer ce qui le touche dans le 7e art et pourquoi Hollywood le fascine.

Abd Al Malik : "Je ne fais pas de différence entre un Coppola et un Camus"
©  Jacques BENAROCH/SIPA

Le Journal des Femmes : Quel est votre premier souvenir de cinéma ?
Abd Al Malik : Le Noël de Picsou et Blanche-Neige, vus au Ciné Vox à Strasbourg. C'est Le Parrain qui m'a donné envie de faire du cinéma. Coppola a utilisé la fiction pour expliquer que les Italo-Américains faisaient partie de la communauté américaine. C'était en correspondance avec nous, originaires d'ailleurs, mais Français avant tout. La fiction est fabuleuse pour faire passer des messages, parce que l'image fait travailler l'imaginaire collectif. Ce film m'a fortement marqué.

Qu'est-ce que vous cherchez dans le cinéma ?
Je suis bon public, mais pour que je sois heureux et que le cahier des charges du cinéphile que je suis soit rempli, il faut qu'on me bouleverse. Que ce soit par l'histoire en elle-même ou la manière dont elle est racontée par l'image, on doit venir me chercher émotionnellement. Ca doit vivre en moi et être incroyable.

Comme vous êtes vous-même très engagé, les films que vous aimez doivent-ils forcément avoir un message ?
Un film, même le plus commercial, a toujours un message. J'aime beaucoup les comédies romantiques, surtout celles de Nora Ephron. Casablanca me touche énormément, alors qu'il n'y a pas de grand message derrière. Qu'y a-t-il de plus fort et universel que l'amour ? Le cinéma est un outil d'émotion, un miroir d'humanité, qu'importe qui raconte et comment, on doit se retrouver soi.

Une scène de film que vous aimeriez vivre ?
Il y a beaucoup de scènes que j'aimerais vivre ! Puisqu'on parle de films romantiques, dans Nuits blanches à Seattle, quand il le petit organise le rendez-vous sur le toit et voit que la fille ne vient pas. Puis le père monte, il a eu peur pour son fils et Meg Ryan arrive. Ils se regardent… Mon dieu c'est magnifique.

Le prix que vous aimeriez qu'on vous décerne ?
Le jeu des prix est super, mais ce n'est pas le plus important. Ce qui importe, c'est de pouvoir faire un film dans lequel on met son être et que les gens le comprennent. En tant que juré, je veux que le prix fasse découvrir ce talent au monde. Aimer un film, c'est tomber amoureux de quelque chose, d'un univers, de personnages. On veut que la terre entière le ressente aussi. Si le prix permet d'avoir plus de visibilité au réalisateur, il aura la possibilité de continuer à nous faire rêver.

Qu'est ce qu'une révélation ?
Une révélation, c'est un film qui nous bouleverse alors qu'on ne l'avait pas prévu. C'est quand on vient sans idée préconçue et qu'on ressort avec notre vie changée. On ne doit pas être le même avant et après avoir vu le film.

Qu'est ce qui est mieux "à l'américaine" ?
Un blockbuster est mieux à l'américaine. Si on faisait la même chose en France, ça ne marcherait pas. Un mec qui vit à Deauville, qui court partout pour sauver une femme de la noyade, à la Bruce Willis dans Piège de Cristal : ça deviendrait une comédie. Les films d'auteur américains sont les blockbusters. Parce qu'un film d'auteur, c'est un film singulier auquel tout le monde peut adhérer d'un coup. C'est propre à un endroit précis, comme le blockbuster est propre aux Etats-Unis. On ne peut pas l'exporter.

Quelles stars hollywoodiennes admirez-vous ?
Denzel Washington. C'est important d'avoir des figures qui nous font rêver. On en a besoin quand les temps sont compliqués. Le rêve est un moteur puissant. On en avait en France à l'époque d'Alain Delon, on en a moins maintenant et c'est dommage.

Quel est votre rêve américain ?
Quand on me dit rêve américain, je pense Cassavetes, Scorcese… Ce sont des artistes intellectuels. Ils racontent des histoires en résonance avec les problématiques d'une époque. Ils permettent le débat, une réflexion sur la violence, la religion ou la spiritualité. Ils sont comme les grands écrivains. Je ne fais pas de différence entre un Coppola et un Camus ou un Scorcese et un Hemingway. Mon rêve américain, c'est eux, parce que j'ai l'impression qu'il n'y a qu'aux Etats-Unis que ça existe encore. En Europe, on avait Carné, Prévert, Visconti… En Amérique, ça continue. Michael Mann, Christopher Nolan et Terrence Malick sont de grands personnages.

Votre premier film vous a-t-il donné envie d'en réaliser d'autres ?
Je travaille sur mon second film, dont je ne peux pas dire grand chose. J'ai trois passions : la littérature, la musique et le cinéma. J'ai envie de tout mener de front. Qu'Allah bénisse la France, c'était l'acte I.