On a vu pour vous... Tom of Filand

Dans "Tom of Finland", en salle le 19 juillet, le cinéaste Dome Karukoski brosse le portrait de Touko Laaksonen, un artiste à l'univers fétichiste et provocant, un acteur majeur de la pop culture connu pour ses dessins masturbatoires, à l'heure où l'homosexualité était taboue, y compris en Occident. Match face à l'écran.

On a vu pour vous... Tom of Filand
© Rezo Films

Amateurs de biopic, vous allez aimer Tom of Finland, tant tous les ingrédients du genre sont réunis : un cadre naturaliste, une histoire personnelle imprégnée de mutations sociales, un récit introspectif sur plusieurs décennies, une romance épique et une construction par flashbacks.
1939: étudiant en art à Helsinki, Touko Valio Laaksonen, 19 ans, est mobilisé pour combattre l'armée de Staline. Explosion libidinale. Ce gaillard découvre, dans la violence de la guerre et la virilité militaire, les relations sexuelles exclusivement masculines. Corps athlétiques (fessiers rebondis, pectoraux saillants, cuisses musclées), rapports de domination, uniformes et bottes de cuir marquent son imaginaire. Une fantasmagorie interdite. Dans les pays nordiques jusqu'en Allemagne, le secret est pesant dans les fifties: impensable d'afficher ses préférences (ou ses esquisses érotiques) en dehors des toilettes publiques.
C'est en tant que publicitaire free-lance, un job alimentaire qui lui permet de croquer à vau-l'eau, que Tom of Finland, féru du crayon, s'épanouit… jusqu'à ce que ses figures soient reprises par un magazine de culturisme américain. Succès fou et fêtes à gogo en Californie. Pourtant, le trajet vers la reconnaissance est sinueux. L'imagerie défendue par Tom of Finland, insouciante de l'époque, blâmée.
Face au SIDA qui décime sa communauté, Touko défend la fierté gay: "s'éclater, danser, boire et baiser", explique le réalisateur. S'il a vécu dans la clandestinité jusqu'à sa mort en 1991, respectant la promesse qu'il avait faite à sa sœur de ne jamais dévoiler son pseudonyme, notre Scandinave inventif, créatif, inspiré, a construit sa légende. L'influence de Tom of Finland sur l'art est immense. Pierre et Gilles, Jean-Paul Gaultier, Tom Ford, Rob Mapplethorpe, The Queen Freddie Mercury ou encore le combo disco Village People se sont inspirés de son œuvre qui couvre encore aujourd'hui les murs des galeries. Justine Boivin

Connaisseurs de l'œuvre de Tom of Finland, vous pourriez être déçus car le film manque un peu de saveur et d'audace. Notamment comparé aux sulfureux "dessins cochons", comme il les appelait, de l'artiste (quasi anonyme dans son pays, la Finlande, et célébré à l'étranger) qui ont modélisé l'image de l'homme gay, mâle alpha sur-viril et sur-membré dès la fin des années 1950, et de ses pratiques et fantasmes sexuels.
Touko Laaksonen a longtemps expliqué avoir couché avec des soldats nazis pendant la Guerre et s'être inspiré d'eux pour ses dessins, tout comme il l'a fait avec les bûcherons et marins qui le troublaient dans son enfance : des faits introuvables dans le biopic. Si le film ne pèche pas avec un rythme soutenu (passage réussi entre la vie de l'artiste en Finlande et aux Etats-Unis) et a le mérite de rendre accessible au plus grand nombre une icône gay encore méconnue, il peut décevoir dans sa pudeur de montrer les corps et son manque, impardonnable, de sensualité et d'érotisme. Les seuls à se sentir serrés dans leur pantalon sont les hommes sur les dessins de Tom, pas les spectateurs. Lucas Lauer

En salles le 19 juillet 2017 © Rezo Films