Niels Schneider à Cannes : "Je suis un maniaque du désordre"

Niels Schneider est sur la Croisette en tant que juré de la Semaine de la Critique. Alors que la sélection parallèle du Festival de Cannes vient de sacrer "Makala" d'Emmanuel Gras, l'acteur couronné César du Meilleur espoir masculin nous a accordé une interview rythmée par les vagues, les mélodies italiennes et les rires.

Niels Schneider à Cannes : "Je suis un maniaque du désordre"
© Fiona Ipert

"On s'assoit dans le sable ?" Chemise psychédélique sur le dos et Wayfarer sur le nez, Niels Schneider se laisse tomber en tailleur et allume une clope. L'acteur césarisé est détendu. Pour son cinquième Festival de Cannes, le franco-canadien est membre du jury de la Semaine de la Critique. Alors qu'on le rencontre, le drame Makala d'Emmanuel Gras n'a pas encore été consacré et le jeune homme avoue éprouver un plaisir sincère à découvrir de nouveaux réalisateurs.
Le soleil tape, les vagues s'écrasent comme autant de cigarettes consumées. Pour accompagner la cadence de la Méditerranée, le talent révélé par J'ai tué ma mère lance une playlist. Niels Schneider se prête à la confidence alors que Brian Molko entonne les notes de Special Needs à la suite de ses chanteurs italiens adorés. Les histoires, le comédien aime les incarner, mais aussi les raconter. Sans filtre et joyeux, il rit quand il nous livre avoir renversé un verre de gin tonic sur un malotru insultant Xavier Dolan il y a deux nuits de ça. Un sourire barre son visage, ses mains caressent les grains dorés pendant qu'on déroule sa filmographie. Le regard qui fascine le 7e art est caché derrière des verres foncés, mais on l'imagine s'assombrir quand les réponses se font plus graves. Le garçon de 29 ans à la beauté magnétique s'avère aussi contrasté que sa voix : éraillée, mais au timbre chaud comme le soleil de mai sur la Croisette.

© Fiona Ipert

Le Journal des Femmes : As-tu déjà vécu des Amours Imaginaires ?
Niels Schneider : J'ai envoyé des lettres d'amour à Natalie Portman et Britney Spears, qui ne m'ont jamais répondu. Alicia Silverstone de Clueless était aussi un grand amour de jeunesse. Je me rappelle imprimer des photos d'elle nue avec mon vieux modem 56k. Ca prenait 10 plombes, j'avais peur que ma mère débarque. C'était l'horreur (rires) !

Dalida, mais surtout la musique en général, prend-elle une grande place dans ta vie ?
Énormément ! J'ai commencé à être très fan de musique vers 8 ans, avec les Hanson (il fredonne). Puis j'ai eu une grosse période punk avec les Sex Pistols, les Clash. J'ai beaucoup, beaucoup écouté Nirvana. Leonard Cohen est le seul qui m'a suivi tout le long de ma vie. En ce moment, j'ai un gros trip de musiques italiennes : Gino Paoli, Fabrizio De Andre et Francesco De Gregori, très mélancolique, mais sublime. Je suis aussi un grand fan de Lil Wayne. Tha Carter III est le meilleur album de ces dernières années. Le dernier de Rihanna aussi est chanmé.

Peut-on dire que tu es un Cœur régulier ?
Je marche par phases et j'ai des goûts très éclectiques. En cinéma, je peux aimer la froideur de Haneke, la sobriété de Bresson ou le côté tape à l'œil de Scorcese. Le seul cinéaste dont je ne me lasse pas, c'est Cassavettes. J'aime bien revoir les Woody Allen aussi. Je ne sais pas pourquoi j'oublie toujours les histoires. Je regarde un de ses films, je l'adore et trois mois après je suis incapable de le raconter. J'ai l'impression de le redécouvrir à chaque fois.

"Je suis capable de retourner une chambre d'hôtel en un temps record"

Gemma Bovery a-t-elle fait de toi un féru de littérature ?
Je peux avoir des pulsions où je passe une semaine ou deux à ne faire que bouquiner et puis ne plus lire de livres pendant plusieurs mois. Comme la musique et le cinéma, la littérature m'inspire.

 

As-tu un côté Antiquaire, adorateur des choses du passé ?
Je ne suis pas nostalgique, je ne pense pas que c'était mieux avant. Comme avec nos propres souvenirs, on veut se rappeler des belles choses. On rêve à une vie qu'on n'a pas eue. Le passé pour moi est le saudade des portugais : une espèce de nostalgie heureuse. Je le vois presque comme un voyage, un moyen d'écouter une musique du passé. Il peut faire du bien si on ne se complaît pas dedans et qu'on ne refuse pas le présent.

Es-tu adepte des Désordres ?
Je suis un maniaque du désordre. Quand tout est à sa place, ça m'angoisse. Je suis capable de retourner une chambre d'hôtel en un temps record ! C'est une manière assez animale de me sentir chez moi. Il y a quelque chose de vivant dans le chaos.

Dans la vie, t'arrive-t-il de jouer le jeu des Métamorphoses ?
Je pense être intègre, mais on est tous pluriels. Tout le monde est acteur, sauf quelques mauvais acteurs dont je ne citerais pas les noms (rires). Dans la vie, on se métamorphose beaucoup. On amplifie certaines parties de soi, on en étouffe d'autres.

© Fiona Ipert

Quel est ton Âge atomique ?
J'ai trouvé la vingtaine assez pénible. J'ai toujours eu hâte d'avoir 30 ans. Ce sera le cas dans quelques jours et je confirme que c'est un bel âge. Je me sens plus libre que je ne l'étais, mieux dans ma peau, même s'il me reste une colère. C'est un âge où tu as encore énormément de rêves. Mes ambitions restent grandes, d'autant que je me sens plus fort.

Polina danse sa vie et toi, tu enflammes le dancefloor ?
J'ai souvent été le mec au bar, mais ça dépend si la musique est bonne. J'étais en feu sur la piste pour la soirée d'ouverture de la Semaine de la Critique ! J'aime beaucoup danser, mais je suis parfois timide. Il faut que les gens ne dansent pas très bien autour de moi (rires).

Des Rencontres d'après minuit qui t'ont marqué ?
A Marrakech, Francis Ford Coppola m'a dit que je lui faisais penser à son frère et je ne savais pas quoi répondre, j'étais très intimidé. Et puis il a regardé vers l'horizon et il a lâché "être gros, c'est vraiment horrible". Il fallait que je trouve une réponse à ça (rires) ! J'ai fini par rétorquer "vos yeux sont beaux et ils ne grossiront jamais" et j'ai réalisé qu'il pouvait penser que je le draguais. Alors je me suis levé tranquillement et je suis parti (rires).

"La nuit, je ne suis plus la même personne"

A défaut de prendre de l'Opium, qu'est-ce qui te met dans un état second ?
La nuit, je ne suis plus la même personne. Mais c'est bizarre, j'ai l'impression que les gens me reconnaissent plus le soir.

Peut-on dire que tu es un Beau dormant ?
Je ne me couche jamais avant minuit, mais je bouquine ou je vais boire des coups en bas de chez moi. Je ne sors jamais en boîte. A Cannes, je trouve ça hyper joyeux, mais à Paris j'aime moins. Je l'ai beaucoup fait en arrivant il y a 5 ans et là c'est plus mon truc. Les videurs, tout ça, ça m'angoisse. C'est pour ça que j'aime faire la fête à Cannes.

Quels sont tes Ravissements ?
Me réveiller de très bonne humeur. Ça ne m'arrive pas beaucoup, donc quand c'est le cas, je me demande ce qui s'est passé.

Une info en (Voix) off ?
Cannes 2011, à la soirée Chopard. J'étais très déprimé parce que j'étais amoureux d'une fille avec qui ça ne marchait pas. C'était une belle soirée, je recevais un prix des mains de Robert De Niro et Uma Thurman a fini par me demander ce qui n'allait pas. Comme la fille était là, elle a entrepris de la rendre jalouse. Elle m'a enlevé mon nœud pap' et elle m'a embrassé devant elle. Je ne sais pas si ça a marché, mais c'était une tentative. Ou alors la fille était déjà partie et elle n'a rien vu (rires) !