Travis Knight : "Kubo et L'Armure Magique raconte un mythe en miniature"

"Kubo et l'Armure Magique" sort en salles mercredi 21 septembre. Cette nouvelle pépite des studios Laïka, déjà derrière "Coraline" et "Les Boxtrolls", met en scène une épopée dans le Japon du Moyen-Âge. Nous avons interviewé le réalisateur, Travis Knight, chevalier du cinéma d'animation, passionné et passionnant.

Travis Knight : "Kubo et L'Armure Magique raconte un mythe en miniature"
© Reynaud Julien/APS-Medias/ABACA

Coraline, L'Etrange Pouvoir de Norman et Les Boxtrolls ont désormais un petit frère. Le 4e film d'animation des studios Laïka, Kubo et l'Armure Magique, sort en salles mercredi 21 septembre. Le long-métrage a nécessité 5 ans de travail et cet engagement se voit à l'écran. Dans cette fantastique épopée dans le Japon du XVIIe siècle, Kubo, modeste petit conteur, doit sauver son village de la folie d'un démon vengeur. Accompagné d'un singe et d'un scarabée, il se lance sur les routes, espérant au passage découvrir la vérité sur la chute de son père, un célèbre samouraï. Avec Kubo et l'Armure Magique, Travis Knight, également directeur des studios Laïka, s'essaie pour la première fois à la réalisation. Il nous a parlé de ses inspirations, de son amour pour le Japon, du style de Laïka et... de scarabée. Rencontre animée.                   

Travis Knight © Reynaud Julien/APS-Medias/ABACA


Le Journal des Femmes : Kubo et l'Armure Magique est votre premier film en tant que réalisateur. Qu'avez-vous appris avec cette expérience ? 
Réaliser un film, c'est très, très difficile. Kubo est de loin ce que nous avons fait de plus ambitieux chez Laïka. Nous avions l'idée d'un film à la David Lean [réalisateur du Pont de la Rivière Kwaï, Lawrence d'Arabie, ndlr] en stop-motion. Un mythe en miniature. Ça fait 20 ans que je travaille dans le cinéma d'animation, à des postes différents. Je n'aurais pas pu passer à la réalisation sans ces précédentes expériences. Ça a combiné tout ce que j'ai appris. Il faut se focaliser sur les détails, comme un animateur, mais avoir une vue d'ensemble. En tant que réalisateur, vous êtes la connexion entre toutes les décisions techniques et créatives. C'était épuisant, mais c'était aussi l'expérience la plus gratifiante de toute ma vie. 

Le Journal des Femmes : Pourquoi avoir implanté votre histoire dans le Japon du XVIIe siècle ?
J'ai toujours adoré le Japon. J'ai grandi sur la côte Ouest des Etats-Unis, à Portland, dans l'Oregon. Quand j'avais 8 ans, mon père m'a emmené avec lui en voyage d'affaires. Dès le moment où j'ai mis les pieds au Japon, j'ai eu le sentiment d'être transporté dans un autre monde. C'était à couper le souffle et tellement différent de tout ce que je connaissais : la musique, la nourriture, le style vestimentaire, l'architecture, les films, les mangas… Ça m'a éveillé à une autre forme d'art, une autre façon de penser et de vivre. Ça m'a vraiment changé. Le film rend hommage à tout ça. 

Le Journal des Femmes : D'où vient votre inspiration ?
Tout est lié à ma mère. C'est une grande fan de fantasy. Quand elle était enceinte de moi et quand elle était à l'hôpital après ma naissance, elle lisait Le Seigneur des Anneaux. Elle me l'a aussi lu et quand j'ai été assez grand pour lire tout seul, elle m'a donné son livre. Kubo était l'occasion de raconter une histoire dans cette lignée.

Le Journal des Femmes : La mythologie du film est très développée. Comment avez-vous créé les différentes créatures ?
Nous voulions raconter une histoire qui évoquait une vieille légende, un mythe, un conte populaire. Nous voulions cette impression de récit transmis de génération en génération. Cela passait par la figure classique d'un garçon poursuivant une quête et qui affronte des épreuves prenant la forme de monstres terrifiants. Nous avons créé ce trio de créatures : le squelette géant, tiré du folklore japonais, les deux sœurs et le Roi-Lune. Elles sont inspirées par le folklore et des références contemporaines, comme Star Wars. Quand j'étais enfant, j'adorais Ray Harryhausen [concepteur d'effets visuels de la fin des années 1940 au début des années 1980, ndlr]. Il a certainement été ma plus grande influence en tant qu'animateur. Dans Jason et les Argonautes (1963), il y a une scène où Jason affronte une armée de guerriers squelettes. J'en ai mis dans le film pour lui rendre hommage.  

© Universal Pictures


Le Journal des Femmes : Pourquoi avoir choisi un singe et un scarabée comme acolytes pour Kubo ?    
Nous voulions associer deux personnages que l'on n' aurait jamais imaginé ensemble de prime abord. C'est comme le yin et le yang : le singe est blanc, le scarabée est noir; le singe est très près du sol, le scarabée est un personnage immense. Le singe est un macaque que l'on trouve dans le nord du Japon. Le scarabée est un mélange entre 2 espèces de scarabées japonais, dont l'une s'appelle "kabutomushi", qui signifie littéralement "insecte avec un casque", parce qu'il ressemble à un casque de samouraï. C'était une manière de mélanger les thèmes du film et le design des personnages.

Le Journal des Femmes : Comment avez-vous choisi les comédiens qui doublent les personnages (Matthew McConaughey, Charlize Theron, Rooney Mara, Ralph Fiennes) ?
Pendant les deux premières années du projet, on développe les personnages, l'univers, l'histoire. Une fois qu'on a ces bases, on se demande comment on peut donner vie aux personnages. Nous savons à quoi ils ressemblent, mais comment parlent-ils ? On dresse dans nos têtes une liste d'acteurs avec de belles voix et qui pourraient incarner les personnages. On prend des séquences audio provenant de leurs films ou des interviews qu'ils ont données et on voit si ça sonne bien. C'est comme si vous montiez un orchestre. Nous adorons Matthew McConaughey, Rooney Mara, Ralph Fiennes et nous espérions qu'ils seraient intéressés par le film. 

Le Journal des Femmes : Comment décririez-vous le style des studios Laïka ? 
Notre technique est un mélange de stop-motion, de dessins à la main et d'animation sur ordinateur. C'est une façon inhabituelle de faire des films. Nos films sont visuellement uniques et nous voulons que le style de chacun soit différent. Si on compare Kubo et l'Armure Magique et Coraline, on voit que l'univers n'est pas le même. Nous voulons faire des films qui comptent, avec des histoires qui ont une résonance émotionnelle et explorent des thèmes profonds. J'aime l'idée que chaque film montre un nouveau genre, un nouveau monde. Je suis très fier que nos 4 films soient différents les uns des autres.

Le Journal des Femmes : Que répondez-vous aux gens qui considèrent que les films d'animation ne sont que pour les enfants ?
Il y a beaucoup de films d'animation uniquement pour les enfants ou qui prennent de haut leur public, mais ce n'est pas le genre de films que nous voulons faire. Les réalisateurs que nous admirons ne font pas ce type de films. L'animation n'est pas un genre en soi, c'est un média que vous pouvez utiliser pour raconter n'importe quel type d'histoire. Vous pouvez raconter une histoire plus adulte, comme Anomalisa ou Sausage Party; vous pouvez raconter une histoire destinée aux enfants de 3 ans ou quelque chose d'intermédiaire. Nous voulons faire des films pour tous les membres de la famille. L'animation, en tant que telle, n'est ni bonne ni mauvaise, comme les films en live action. Le film existe et vous pouvez en faire ce que vous voulez.    

Kubo et l'Armure Magique, réalisé par Travis Knight, avec les voix de Matthew McConaughey, Rooney Mara, Charlize Theron, Ralph Fiennes. Au cinéma le 21 septembre.      

© Universal Pictures International France