Jisca Kalvanda et Déborah Lukumuena (Divines) : "Tout le monde est en quête de reconnaissance"

Jisca Kalvanda et Déborah Lukumuena explosent dans "Divines", d'Houda Benyamina, en DVD, BRD et VOD le 3 janvier. Ce film coup de poing fait l'effet d'une gueule de bois. On passe un excellent moment, avant de finir retourné. Et ça vaut le coup. On en a parlé avec les comédiennes.

Jisca Kalvanda et Déborah Lukumuena (Divines) : "Tout le monde est en quête de reconnaissance"
© Easy Tiger

Divines est la révélation du Festival de Cannes. Reparti avec la Caméra d'Or, prix décerné au meilleur premier film de la sélection, ce drame français d'Houda Benyamina bouscule tous ceux qui le voient. Il parle de Dounia, banlieusarde aux rêves de réussite et d'argent. Une ado pleine de niaque, décidée à travailler pour Rebecca, chef de cartel du quartier, incarnée par Jisca Kalvanda. C'est elle qui prononce la punchline du film, "t'as du clito". Féministe en baggy, elle impose sa loi à Dounia et Maimouna, son amie loyale et entière, jouée par Déborah Lukumuena.
Cette dernière a 21 ans et tourne là son premier film, après des études en fac de Lettres. Jisca elle, a 22 ans et connaît la réalisatrice depuis 8 ans. Les deux se révèlent dans cette tragédie moderne. En interview, elles se chamaillent, se renvoient la balle et communiquent leur joie. "On est contentes que le cri poussé par le film ait eu un écho à Cannes. Nos larmes, notre sueur, nos peurs et nos rires sont récompensés", nous ont-elles confié. On leur souhaite que ce ne soit que le début des honneurs.

Déborah Lukumuena, Jisca Kalvanda et Oulaya Amamra © Easy Tiger

Le Journal des Femmes : Pourquoi Divines est un film important ?
Déborah
Lukumuena : Parce que des femmes égéries, pas nécessairement caucasiennes, c'est une nouveauté. Comme c'est inhabituel, certains y voient de l'audace. Pourtant la poussée est ailleurs. Houda (Benyamina, la réalisatrice NDLR) est dans une dynamique humaniste.

À Cannes, son discours jugé féministe a beaucoup fait parler...
Jisca Kalvanda : Le "nous" qu'elle a employé n'était pourtant pas pour les femmes. Elle parlait aux autres, aux désaxés, aux gens comme elle, comme nous. Houda est contre toutes les injustices, pas seulement en banlieue. Elle se bat aussi pour les gens en province qui doivent faire deux heures de bus avant de trouver un cinéma. 

Quand un film avec des premiers rôles féminins sort, tout le monde le remarque. Vous trouvez qu'on en fait trop ?
Déborah : On en fait des caisses parce que c'est vécu comme une exception. Ceux qui en font un événement peuvent se demander pourquoi ils s'étonnent. Moi, je m'étonne de quelque chose dont je n'ai pas l'habitude. Donc il n'y a pas assez de femmes au centre des films. J'ai entendu les remous autour de Bande de Filles : c'est exactement pareil. On n'a pas l'habitude de voir quatre filles noires à l'affiche.

Dounia, l'héroïne, est motivée par une rage de réussite. Vous aussi ?
Jisca : C'est un sentiment universel et c'est justement la raison pour laquelle le film ne parle pas qu'aux femmes, qu'aux banlieusards issus de la diversité. Tout le monde mène ce combat contre soi-même. Nous sommes en quête de reconnaissance, surtout dans le monde du cinéma. Chacun veut être le meilleur, tout le temps, partout.

Maimouna, Rebecca et Dounia © Easy Tiger

Pouvez-vous nous présenter le personnage joué par l'autre ?
Déborah : Rebecca est un rôle précurseur. C'est la dealeuse pour qui Dounia et Maimouna vont travailler jusqu'à s'aventurer dans des recoins sinueux. Sans elle, le film n'a aucun sens.

Jisca : Oui je sais, merci ! Derrière son allure de femme, Maimouna est une petite fille qui a une amitié extraordinaire avec Dounia. Elle est tiraillée entre deux mondes : sa copine avec qui elle fait les 400 coups et son père imam qui impose un cadre de vie stricte.

Qu'est-ce qui vous a plu chez elles ?
Déborah : J'aime la pureté qu'incarne Maimouna. Je lui envie son innocence. C'est dur d'en avoir encore à mon âge, 21 ans. Elle est une bien meilleure amie que moi. Il est hors de question que je me sacrifie pour une des filles, elles peuvent le noter tout de suite !

Jisca : J'ai aimé ne pas être moi. Je n'ai jamais fumé et je me suis retrouvée sur le terrain, je me suis rasé la tête. C'était dur sur le coup, mais je pourrais le refaire. Rebecca s'amuse, elle est très drôle. C'est vraiment pour ça que je fais ce métier : comprendre la psychologie de quelqu'un d'autre.

Qu'est-ce qui a été le plus compliqué ?
Jisca : Au départ, je n'arrivais pas à jouer parce que je la jugeais. Je me disais que c'était mal de vendre de la drogue. Puis j'ai compris que c'était une business woman qui gérait un commerce. C'est aussi une visionnaire qui voit le potentiel de Dounia. Elle a toujours une longueur d'avance, alors que je suis une rigolote. Quand j'ai compris ça, j'ai commencé à jouer juste, à m'épanouir dans mon rôle, à me lâcher totalement.

Déborah : Je jugeais aussi Maimouna, parce que je trouvais son dévouement à Dounia hyper dangereux. J'étais à la fois touchée et dans l'incompréhension. Je me référais trop à moi au lieu de m'oublier. Ses actions étaient en conflit avec ce que j'aurais fait à sa place, ça me gênait.

Verdict : que faut-il pour être divine ?
Déborah : Sublimer ses beautés et ses laideurs.

Jisca : S'aimer ! Ça aide à aller vers les autres, à être soi-même.