Noémie Lvovsky, entre sourires et mélancolie

Dans "Rosalie Blum", à découvrir le 23 mars, Noémie Lvovsky incarne un doux mélange de "madame tout le monde" et de "mademoiselle mystère". L'actrice-réalisatrice que le cinéma français adore (à raison !), nous a accordé un entretien.

Noémie Lvovsky, entre sourires et mélancolie
©  SND

À peine arrivée, Noémie Lvovsky pouffe de rire. "Un sms de ma monteuse", nous confie, le regard complice, la Parisienne de 51 ans, portable à la main. Ce visage qui s'illumine avec tant de facilité est ce qui fait de cette ancienne élève de la Fémis une si grande actrice. La scénariste et réalisatrice (aussi) a fait ses armes aux côtés d'Arnaud Desplechin et de Philippe Garrel, rien que ça. En Rosalie Blum, l'héroïne de Camille Redouble libère cette magie dont elle a le secret : être légère et malicieuse puis nébuleuse et émouvante, avec la même puissance.
Face à Kyan Khojandi, celle à qui "la vie ne fait pas peur" prend les traits d'une épicière nivernaise aussi normale qu'intrigante. À tel point que le coiffeur un peu paumé se met à la traquer pour résoudre l'énigme Rosalie. Ce personnage de bande-dessinée créé par Camille Jourdy est porté à l'écran par Julien Rappeneau, fils de Jean-Paul. Un type "incroyablement attentif, attentionné, délicat, pudique, tendre, aimant, intelligent et profond sur les gens", selon Noémie Lvovsky. On lui sourit : le cinéaste et elles se sont décidément bien trouvés.

Noémie Lvovsky en Rosalie Blum © SND

Comment avez-vous découvert Rosalie Blum ?
D'abord comme lectrice trois ou quatre ans avant que Julien ne m'offre le rôle. Je ne pensais pas du tout à un film, ni qu'on allait me proposer de l'incarner. Après avoir accepté de la jouer, j'ai décidé de ne pas retourner au roman graphique. Je l'avais beaucoup aimé, j'avais gardé une sensation de nostalgie et de drôlerie, mais j'avais peur de vouloir coller à des images. Ce qu'il ne faut surtout pas faire.

"Rosalie vit avec un désespoir accepté"

Rosalie Blum est solitaire, mystérieuse, mais avec cette lueur d'espièglerie dans le regard... Comme vous ?
Oui, je crois. Rosalie a connu une rupture radicale dans sa jeunesse et je me suis raconté que le temps s'était arrêté pour elle il y a des dizaines d'années. Quelqu'un lui manque atrocement, mais elle accepte cette absence. C'est sans larme, sans cri, sans pathos. Elle vit avec une espèce de désespoir accepté et peut donc s'amuser de tout. En cela je peux m'y reconnaître.

Vous vous êtes déjà sentie "en pause" ?
Je ne dirais pas "en pause", mais j'ai déjà eu l'impression que le temps s'était arrêté pour toujours. Quand j'ai perdu des êtres chers... À ce moment, j'ai pensé que je perdais les gens pour qui je faisais les choses et que peut-être je ne pourrais plus avancer. Je découvre qu'on peut agir de manière aussi forte et concrète pour ceux qui ne sont plus là que pour ceux qui restent.

© SND

Rosalie, Vincent et Aude sont des moteurs les uns pour les autres. Qui sont les vôtres ?
J'ai eu de gros moteurs et j'en ai encore ! Arnaud Desplechin, que j'ai rencontré très jeune et auprès de qui j'ai appris, a été vraiment important. Je le dis d'autant mieux maintenant que plus de 30 ans ont passé. J'ai eu une chance inouïe de le regarder travailler si tôt dans ma carrière. Ça m'a nourrie pour toute une vie de travail. Il y a aussi eu un professeur extraordinaire, le cinéaste Jean Douchet. Et puis mes amis d'enfance et d'adolescence m'ont fait comprendre l'importance de l'amitié et du groupe, très précieux quand on participe à des films.

Où puisez-vous la force d'avancer, de créer ?
Si force il y a, c'est de s'acharner, de s'accrocher, de surmonter certaines difficultés et d'accepter le temps que ça peut prendre. Ne pas renoncer. Créer, c'est une nécessité portée par un coup d'inspiration, par le désir, le fait de partager avec les autres.

Êtes-vous de ceux qui croient au hasard ou de ceux qui provoquent leur chance ?
Je pensais que vous alliez me demander si je croyais au hasard ou au destin, dans ce cas je vous aurais répondu au hasard. Mais j'essaie de provoquer des choses sans compter sur la chance. C'est comme si j'étais sur une planche de surf : je tente de bien prendre les vagues, de faire mon miel, mon plaisir, de ce qui arrive.

"J'essaie de provoquer des choses sans compter sur la chance"

Vincent est intrigué par Rosalie, qu'il est persuadé d'avoir déjà croisée. Qu'est-ce qui vous attire chez quelqu'un que vous rencontrez pour la première fois ?
Son attention aux autres. Quand j'ai rencontré Julien, c'est ce qui a été décisif : son regard sur le projet, sur les personnages et sur les gens. Il est incroyablement attentif, attentionné, délicat, pudique, tendre, aimant, intelligent et profond sur les personnes. Pendant le tournage, j'ai été très émue par son ouverture aux acteurs, mais aussi aux gens derrière la caméra. C'est un mensch (rires) !

Auriez-vous pu être une bonne enquêtrice ?
Je ne pense pas avoir le sang-froid et la méticulosité nécessaires (sourire)... Mais comme j'aime beaucoup les personnes, je les regarde sans juger. Peut-être que je n'aurais pas été mauvaise sur le sentiment des gens.

Quel impact a le train-train sur votre humeur ?
J'aime beaucoup la régularité. J'en ai un grand besoin, parce que je n'ai pas le tempérament pour ça. Elle me fait du bien.

Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite pour un inconnu ?
Tomber follement amoureuse (rires) !

Rosalie Blum, de Julien Rappeneau, avec Noémie Lvovsky et Kyan Khojandi. Au cinéma le 23 mars 2016.

"Rosalie Blum - bande-annonce"

Voir aussi :