Noëlle Châtelet transmet sa Dernière Leçon

Femme de lettres, enseignante à l'Université, militante du "bien mourir", la romancière Noëlle Châtelet a accepté que Pascale Pouzadoux adapte sur grand écran "La Dernière Leçon", un livre autobiographique dans lequel elle raconte comment elle a accompagné le combat de sa mère, qui a choisi la date de son adieu au monde... Un témoignage sensible et inédit et un film réussi à découvrir en salles le 4 novembre.

 

Noëlle Châtelet © FREY MELANIE/JDD/SIPA

Chevalier de la Légion d'Honneur, prix Goncourt de la Nouvelle, prix Renaudot des Lycéens, l'écrivaine, philosophe et universitaire Noëlle Châtelet est une figure de l'intelligentsia. Si son frère, Lionel Jospin, a pris ses distances avec la politique, Noëlle se sent prête à porter jusqu'aux plus hautes instances républicaines la parole de sa mère, sage-femme et cofondatrice de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. Battante, engagée, elle s'érige en étendard d'une fin de vie choisie, prône le vote d'une loi légalisant l'euthanasie et le suicide assisté ainsi que l'assurance d'un accès universel aux soins palliatifs.
Librement inspiré du roman éponyme, "La Dernière Leçon", merveilleusement interprété par Sandrine Bonnaire et Marthe Villalonga, place le débat (au cinéma et) au centre de l’actualité. Ce film aborde la fin de vie de manière lumineuse en mettant l’accent sur l’humain, la solidarité et la complicité d’une mère envers sa fille. Une façon émouvante, délicate, souvent drôle aussi, d'attirer l'attention sur un sujet encore tabou et d'encourager à la réflexion.

Journal des femmes : La Dernière Leçon est d’abord votre livre autobiographique sorti en 2004...
Noëlle Châtelet : L’histoire de La Dernière Leçon raconte effectivement comment ma famille a fait face à la mort choisie de ma mère, Mireille Jospin à l’âge de 92 ans. Moi qui était la cadette de la fratrie, je l’ai soutenue dans son choix, tout en lui demandant de m’accompagner. Ma mère était une militante, elle a fondé avec mon père l’Association au Droit pour Mourir dans la Dignité il y a 35 ans. Aujourd’hui c’est moi qui reprend le flambeau.
On m’avait déjà proposé d’adapter le livre au cinéma il y a une dizaine d'années, mais je n’étais pas prête. Je le suis d’autant plus aujourd’hui puisse que je vois que les choses n’ont pas évolué en France et j’espère que ce film aura un écho encore plus grand.

Comment avez-vous travaillé avec Pascale Pouzadoux ?
J’ai vraiment travaillé main dans la main avec Pascale Pouzadoux. La Dernière Leçon raconte une mort choisie comme une hymne à la vie, d’ailleurs le rire est très présent dans le film. Pascale est une réalisatrice qui vient de la comédie et cela m’a aussi décidé pour l’adaptation car elle a tout de suite perçu le ton qu’il fallait donner au film.
Durant le tournage, le jour de l’anniversaire de la mort de ma mère, j’ai ressenti une sorte d’injonction de sa part qui me disait que le travail n’était pas fini. J’ai donc écrit un nouveau livre, Suite à la dernière leçon, qui est le récit chronologique du passage du livre au film que j’examine sous l’aspect esthétique, la dépossession de soi et la question sociale.  

La Dernière Leçon © Wild Bunch Distribution

Quel est votre sentiment actuel sur le débat animé qui concerne la fin de vie en France ? 
Le gouvernement est frileux par rapport au souhait de la plupart des Français qui souhaitent une loi plus ouverte la dessus. C’est pour cela que je milite aujourd’hui. Je crois aux gens de plumes pour interpeller les consciences. Aujourd'hui se sont les médecins qui décident de la vie et de la mort et je conviens qu’ils ont été formés pour faire vivre et non pas mourir. Mais certains médecins seraient prêts à aider à mourir alors qu’on les laisse faire, tout comme on en laisse certains pratiquer des IVG, c’est du même ordre.
Je pense que "donner le droit de mourir ne fait pas mourir", il rassure les gens qui ont peur de partir dans de mauvaises conditions.

Les femmes ont-elles un rôle clé à jouer dans cette bataille ?
Je pense que les femmes parce qu’elles donnent la vie sont plus à même de discuter de la mort. Elles ont un rôle majeur à jouer dans ce combat, d’abord au sein de leur propre familiale puis à l’échelle de la société.

Pourquoi nos lectrices devraient-elles aller voir La Dernière Leçon ?
Nous sommes toutes des filles de mères qui seront confrontées à la perte de leur maman. Ce dialogue mère-fille sur la fin de vie doit être mené humainement et avec complicité comme j’ai eu la chance de le faire avec ma mère. C’est ce que montre le film de Pascale Pouzadoux qui est loin d’être un film "donneur de leçon", mais au contraire un opus rempli d’attention, de solidarité et d’humanité.

La Dernière Leçon © Wild Bunch Distribution