Human : en tête-à-tête avec l'humanité

Avec "Human", Yann Arthus-Bertrand s'est lancé dans un défi fou et démesuré : celui de dresser un instantané du genre humain, une sorte de trombinoscope de l'humanité à travers plus de 2 000 témoignages, recueillis partout dans le monde. Le résultat de l'entreprise est un film-fleuve et protéiforme, proposé au public via plusieurs supports.

"On a tourné dans beaucoup d'endroits, avec beaucoup de gens". Quand le générique de fin défile, interminable, à l'issue de la projection de Human, le réalisateur, Yann Arthus-Bertrand, s'excuserait presque. Et pour cause : trois ans de tournage, 2 500 heures de pellicule condensant 2 000 témoignages recueillis dans 75 pays... ça en fait des personnes à citer. Human est assurément le film de la démesure. Il fallait bien ça pour restituer ce qui fait l'essence même de notre humanité. Inlassablement, les équipes du photographe ont posé les mêmes 40 questions universelles aux témoins passés devant leurs caméras : qu'est-ce que le bonheur ? La famille ? Quelle est votre plus grande douleur ?... En 15 minutes comme en 120, chacun se raconte. La première version du film durait 12 heures. A l'arrivée, il n'en reste "plus" que trois. La tâche paraissait insurmontable et pourtant : Yann Arthus-Bertrand a réussi à isoler 110 récits pour les livrer au public dans un film-fleuve, une oeuvre dont l'importance déborde le cadre purement cinématographique et le simple champ artistique.       
Le réalisateur filme des hommes et des femmes, en Australie ou en Afghanistan, des rizières chinoises aux mégalopoles américaines, et ce qui les préoccupe. Les portraits, filmés en gros plan, se succèdent, entrecoupés des célèbres prises de vues aériennes qui ont fait le succès de Yann Arthus-Bertrand. Uniques respirations dans une humanité filmée au plus près. Avec un certain lyrisme et à grand renfort de ralentis, le réalisateur entremêle le huis clos et les espaces, l'Homme et Mère Nature, l'intime et le grandiose, l'infiniment grand et l'infiniment petit dans un film-somme. Dans cette Tour de Babel sur pellicule, les larmes coulent, les sourires irradient, les rires fusent.      

Un film-monde, dans la lignée de Cloud Atlas                    

 
Qu'il s'agisse de cette rescapée du génocide rwandais qui relate son calvaire, de cette survivante des camps de concentration, de ce GI qui raconte comment il a fait face à un terroriste ou de ce réfugié pakistanais qui assure que sa famille lui a "donné la permission" d'émigrer, impossible d'échapper à leur regard, qui envahit l'écran. Certains témoignent de leur vie et de leurs ressentis, évoquant tour à tour les violences conjugales, le chômage ou leur orientation sexuelle. Au fil du récit, on reconnaît les visages de l'actrice Cameron Diaz ou de l'ancien président uruguayen José Mujica. D'autres visages, muets, ont été conservés par le réalisateur pour des "raisons purement esthétiques". Non pas que leur témoignage n'ait pas d'intérêt : il aura sa juste place ailleurs, sur les autres supports déployés à l'occasion de la sortie de Human. La totale sobriété de la réalisation de ces portraits, filmés sur fond noir, contraste avec la musique, emphatique. 
Si Yann Arthus-Bertrand revendique l'influence de The Tree of Life, de Terrence Malick, on pense aussi à Cloud Atlas, d'Andy et Lana Wachowski : une sorte de film-monde qui tisserait des liens entre les hommes, par-delà les frontières, en révélant les éléments communs dans lesquels ils se retrouvent. Pour finalement amorcer un début de rapprochement, comme le résume si bien cette vieille dame quand elle apprend le but de l'entreprise du réalisateur et de ses équipes : "Le monde fera notre connaissance."    

Human, de Yann Arthus-Bertrand, 3h11. Au cinéma depuis le 12 septembre 2015.

Voir aussi :