Emilie Cherpitel nous charme avec son Echappée Belle

Emilie Cherpitel a assisté les plus grands réalisateurs et en a gardé le meilleur pour "L'Echappée Belle", son premier long-métrage plein de poésie, de fantaisie, d'intelligence. Rencontre avec une réalisatrice radieuse et inspirée.

Emilie Cherpitel © Pyramide Distribution

Un film joyeux qui fait sourire et rend heureux. Des dialogues ciselés, une mise en scène rythmée et une histoire riche d'espoirs. Avec L'Echappée Belle, Emilie Cherpitel nous offre une bouffée d'oxygène, un bouquet d'optimisme et un lot d'émotions fraîches et douces à la fois. Confidences d'une cinéaste solaire.  

Emilie, racontez-nous votre parcours…
Mon père travaillait pour la Croix Rouge et nous avons voyagé au gré de ses missions. Arrivée en France à la fin de l'adolescence, je me suis lancée dans des études de droit que j'ai voulu arrêter par flemme et par manque d'intérêt. Je ne viens pas du tout d'un milieu artistique et le cinéma semblait un monde inaccessible… dans lequel j'ai pu entrer, à 19 ans,  au culot. J'ai appelé une multitude de producteurs et je me suis retrouvée sur le plateau de L'Ombre du Vampire, un film d'horreur basé sur Nosferatu, avec John Malkovich et Willem Dafoe. Ce dernier m'a prise sous son aile et m'a recommandée au recteur de l'Université de New York, où, étudiante boursière j'ai pu étudier le 7e Art. De stagiaire, je suis devenue deuxième assistante réalisateur pour Ridley Scott, Sofia Coppola, James Ivory, Brian de Palma,  puis premier assistante pour Wes Anderson, Christopher Thompson, Guillaume Gallienne et mon ami Beigbeder… Puis je suis tombée sur ma productrice, Candice Zaccagnino. Ensemble, on a fait les "Filles du Samedi". On a réussi à financer le projet très vite, ça m'a donné confiance. J'avoue, j'ai une chance immense…

Une destinée semble-t-il… et beaucoup de talent !
Merci, mais n'exagérons rien. Je concède une certaine fierté dans l'accomplissement de ce premier film. C'est un peu comme un accouchement, il y a une vraie pénibilité et un vrai bonheur à la clé.

Peut-on s'épanouir sans enfant ?
Absolument. J'ai longtemps pensé que je n'aurais pas d'enfant… A 37 ans, je suis ravie d'avoir un petit garçon de 20 mois. J'ai mis au monde en même temps mon fils et mon film. Je n'étais pas maman quand je l'ai écrit, mais je l'étais quand je l'ai tourné.

Présentez-nous Eva, une héroïne aussi ravissante qu'égoïste, une princesse moderne, un peu portée sur la bouteille, avec un chevalier servant mais pas d'amant sérieux…
C'est un personnage très dandy chic qui s'étourdit dans l'alcool, les cigarettes, la musique pour tester ses limites. J'aimais le fait qu'elle soit entourée de belles choses, que l'on emprunte au registre du conte de fées, du merveilleux. Elle est très inspirée par Audrey Hepburn dans "Breakfast at Tiffany's", cet aspect très léger des comédies années 50 où elles sont toutes des petits oiseaux légers perchés sur leur branche avec une gravité sous-jacente.

Eva est cultivée, n'a pas de soucis financiers, pourtant, il lui manque quelque chose…
Eva vit dans un appartement tout droit sorti d'une revue de décoration, mais elle vit seule. Ce lieu esthétique manque un peu d'humain et de partage. C'est pourquoi cette rencontre avec l'enfant est importante. Dans cette fable, Léon débarque de nulle part comme Le Petit Prince, et va distiller sa sagesse. Il s'engouffre chez elle par la porte, physiquement et émotionnellement aussi , pour essayer de la bousculer, de lui apprendre à aimer.

A-t-on le droit d'être malheureux alors qu'on semble tout avoir ?
L'aisance matérielle impose un devoir d'altruisme, une obligation de donner un peu de ce qu'on a, de sa personne aussi. 

Eva une fille qui est dans la séduction naturelle car elle n'a pas les attributs de la vamp. Le choix de Clotilde Hesme était une évidence ?
C'est la première actrice à laquelle j'ai pensée. Clotilde a ce rapport très franc aux autres. Elle est élégante, élancée, classe, mais ne minaude jamais.

Y a-t-il une difficulté à exister en tant que femme dans la réalisation ?
Je me sens plutôt privilégiée, mise en avant et respectée. Ce qui est compliqué au cinéma pour les femmes réalisatrices, ce n'est pas l'écriture ou le process créatif qui reste quelque chose d'assez doux dans l'environnement et dans la confrontation aux autres, ni la phase de financement, difficile quel que soit le genre. C'est vraiment le tournage qui est un milieu viril, éprouvant physiquement. Il faut courir, considérer le matériel, être efficace, diriger une équipe de 50 à 200 personnes très différentes les unes des autres. Ça va de la costumière au chef machiniste, du régisseur à l'accessoiriste... Cette partie est un vrai défi pour garder sa féminité.

Faire autorité, ça passe par quoi ?
Ne pas être perchée sur des talons, apprêtée et maquillée comme un camion volé ? (Elle rit) Plus sérieusement, c'est savoir créer l'illusion qu'on sait exactement ce que l'on veut. Savoir être directive de façon catégorique avec certains autres corps de métiers qui peuvent remettre en cause les décisions que l'on prend, de la place du micro jusqu'à la couleur du rouge à lèvres de la figurante. Et réussir à s'adapter aux comédiens qui ont besoin d'être rassurés, encouragés, choyés parce qu'ils sont exposés à la caméra. Les questionnements sont multiples. Le réalisateur est le moteur du bateau qui se remplit parfois beaucoup. Il faut donner toute sa puissance, toute son énergie pour arriver de l'autre côté.

Emilie, quels sont vos projets ?
Je travaille sur un nouveau scénario, moins naïf et spontané. Le récit d'un univers froid, introspectif… et masculin !

Voir aussi :

En salles le 17 juin © Pyramide Distribution