Jardin de thé : comprendre sa philosophie pour mieux l'aménager

Le jardin de thé est un grand classique des jardins japonais, mais l'un des plus difficiles à réaliser et aménager.

Jardin de thé : comprendre sa philosophie pour mieux l'aménager
© Sandra Milic

Le jardin de thé est l'un des jardins japonais les plus connus, mais c'est surtout le jardin japonais le plus complexe et le plus codifié. Pour pouvoir le réaliser, il est nécessaire de comprendre sa raison d'être. "Quiconque a foulé le sol de l'allée qui traverse le jardin, ne peut manquer de se rappeler combien son esprit s'élevait au-dessus des pensées ordinaires, tandis qu'il marchait dans la pénombre crépusculaire des arbres à feuilles toujours vertes, sur les irrégularités régulières des cailloux fraîchement arrosés, au-dessous desquelles s'étend une couche d'aiguilles de pin séchées, et qu'il passait près des lanternes de granit couvertes de mousse." Voici comment Okakura Kakuzo définissait le jardin de thé en 1906, dans son célèbre ouvrage Le livre du thé.

On note à travers cet écrit que contrairement aux autres jardins japonais, le jardin de thé n'est pas fait pour être admiré mais pour être traversé : il n'est qu'un passage. Ce jardin est conçu de telle façon que l'individu, en le parcourant, se coupe peu à peu physiquement, phonétiquement et visuellement du monde extérieur. Il permet en effet aux invités et à son hôte, de passer du monde ordinaire au monde sacré. Ce jardin par sa conception particulière, permet aux hommes d'oublier, un temps, le monde réel pour ne voir que le beau. Maintenant que ces notions de passage tant physique que spirituel sont entendues, il nous est possible de passer à la réalisation.

Comment réaliser un jardin de thé ?

Le jardin de thé se compose d'un premier chemin - le roji - dont le sol est jonché de pierres, rythmant ainsi la marche du visiteur ; il s'étend de l'entrée principale de la propriété, à une petite paroi de bambou disposant d'un portillon, point de départ du second roji. Ce passage est hautement symbolique puisqu'il permet au visiteur, en refermant la porte, de laisser le monde ordinaire derrière lui.

Pour faciliter la méditation, le jardin est volontairement composé d'une végétation sobre et dense, créant alors un petit monde à part, un monde intime empli de solitude. Des arbustes persistants seront présents et nombreux, les feuillages seront verts et non colorés, et les fleurs alors bien souvent absentes : cette absence de fleurs et de plantes caduques instaure la notion d'intemporalité afin de ne pas distraire le visiteur, et lui permettre ainsi d'atteindre le premier stage de la méditation.

On trouvera également des lanternes en granit recouvertes de mousse, de tailles et formes différentes, ponctuant sobrement le chemin. "Il se peut que l'on se trouve au milieu même d'une ville et cependant on éprouve la sensation d'être dans une foret loin de la poussière et du bruit de la civilisation." Le visiteur se trouve alors dans le second roji. Le second chemin se termine nécessairement par le tsukubai, pièce maîtresse des jardins de thé, et dernier rituel avant de pénétrer dans la chambre du thé. 

Le tsukubai, un bassin de pierres 

Le tsukubai est un bassin de pierre, agrémenté ou non d'une fontaine en bambou et entouré de pierres de formes et tailles différentes. Il a pour objet de fournir l'eau nécessaire aux ablutions avant de participer à la cérémonie du thé. Placé à proximité de la maison de thé, il permettra au visiteur de se purifier les mains, le front et la bouche.

En outre, placé volontairement très près du sol, il amènera naturellement le visiteur à s'accroupir pour obtenir une attitude humble lors du rituel de la purification, d'où son nom, "tsukubai", du mot "tsukubau" : s'agenouiller.

Les pierres qui entourent le bassin ont chacune un rôle défini et nécessaire à la pratique de la cérémonie du thé :

  • La première pierre plate permet au visiteur de s'y placer pour ne plus être en contact avec la terre. Cette pierre est disposée face au bassin, à une distance suffisante pour éviter aux invités de s'y heurter les genoux lorsqu'ils s'accroupissent. 
  • A droite et à gauche du bassin, nous observons deux autres pierres plates, l'une permettant à l'hôte de poser le seau d'eau destiné aux ablutions, l'autre d'y placer une bougie pour éclairer le tsukubai à la tombée du jour.
  • Les autres pierres entourant le bassin auront pour objet de fermer l'ensemble, évitant symboliquement à l'eau de s'écouler dans le jardin.
  • Au cœur du tsukubai, des graviers seront disposés pour permettre le drainage.

L'eau peut être apportée par l'hôte ou provenir d'une source : dans ce dernier cas, l'eau passera par une fontaine en bambou avant d'atteindre le cœur du bain et se déverser dans la zone de drainage. En effet, il est primordial de ne pas avoir d'eau stagnante, que ce soit dans le tsukubai ou aux alentours.

Si le bassin de pierre, Tsukubai, est très souvent associé au jardin de thé et ce à juste titre puisque son utilisation fait partie du rituel de la cérémonie du thé, on notera qu'au cours de la période Tokugawa, au XVIIe siècle, des bassins sont également apparus à l'entrée des maisons, dans les jardins d'accueil ou les jardins promenades afin de permettre aux visiteurs de se désaltérer.

Autour du même sujet