Paillage au jardin : les conseils d'un expert des forêts pour bien s'y prendre

Pailler le sol de déchets végétaux est une technique offrant de nombreux avantages au jardin et aux plantes. En défenseur chevronné, Stéphane Loriot, du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, nous explique pourquoi et nous donne ses conseils pour une litière végétale réussie et un jardin sain et naturel.

Paillage au jardin : les conseils d'un expert des forêts pour bien s'y prendre
© jarizpj - 123RF

Le paillage végétal remonte à fort longtemps : à l'origine, c'était uniquement à base de paille de culture, pour limiter les arrosages des potagers, par définition très gourmands en eau. Plus récemment, est arrivé le paillage au BRF (bois raméal fragmenté), il y a une trentaine d'années : un paillage cinq étoiles qui restaure parfaitement le sol ! Mais on peut, avec d'autres litières végétales non broyées, nourrir un sol et renforcer les défenses immunitaires des plantes. "Le paillage correspond en fait à une excellente synthèse entre la récupération d'eau et le compostage, avec une charge d'intervention en moins pour un meilleur résultat," précise Stéphane Loriot.

Les avantages du paillage

  • Le sol est nourri et rééquilibré.
  • Les plantes sont saines (plus de pucerons et de maladies sur les feuilles) et ne nécessitent pas de traitement : 95 % des plantes paillées sont en bonne santé.
  • L'arrosage est limité.
  • On gagne du temps libre en évitant les aller-retours entre la plante et la déchetterie ou le composteur. Avec le paillage, on va du point A au point A. Tout ce qui vient de la plante retourne à la plante. "C'est moins de travail au jardin pour plus de résultats," explique Stéphane Loriot.
  • Le paillage permet d'éviter l'utilisation d'intrants, même biologiques (engrais et autres produits phytosanitaires).
  • Le compostage peut être limité en répartissant sur le sol les éléments provenant de la taille et de la coupe des végétaux du jardin.
  • Le jardin privilégie alors l'arrivée des auxiliaires du jardin.
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Paillage de fougères sur des fraisiers © Stéphane Loriot

Quand pailler le sol ?

L'idéal est de respecter le cycle naturel de la forêt et de l'adapter au jardin. A l'automne et pendant l'hiver, les végétaux sont plutôt en dormance, mais avec la chute des feuilles, le sol va être naturellement recouvert et donc très vivant. En réalité, il faut pailler toute l'année. "La règle d'or est de ne jamais laisser un sol à nu," explique Stéphane Loriot. De fait, quand on se promène dans la forêt, quelle que soit la saison, le sol a toujours une litière naturelle.

Tout ce qui est issu de la taille des haies constitue des rameaux de 10 à 30 cm : c'est déjà une litière qui ne nécessite pas d'être broyée.

Lorsqu'on se lance dans le paillage du sol, il est préférable d'opter pour du BRF la première année, puis par la suite, de mettre d'autres éléments résultant de la taille du tout-venant, des feuilles, des rameaux..., sur une épaisseur de 10 cm. Au bout de six à neuf mois, la litière se transforme en humus. Plus les feuillages sont longs à se décomposer, plus on les utilisera la deuxième ou la troisième année. A la fin, on peut tout mélanger sans problème : feuilles et bois.

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A gauche, cet abricotier était attaqué, du collet au houppier, par le champignon pathogène armillaire. Pour le soigner, à l'automne, Stéphane Loriot a déposé un paillage de BRF, sur 10 cm, tout autour du pied. En un an, la plaie a commencé à se refermer et l'arbre est guéri et resplendissant. A droite, comme ce prunier, tous les arbres et arbustes peuvent être paillés avec des bâtonnets issus de leur propre taille. © Stéphane Loriot

Quelles plantes utiliser pour une bonne litière végétale ?

  • La première année : soit BRF, soit feuilles mortes ou fraîchement coupées suite à une taille.
  • Les années suivantes : branchages, rameaux, feuilles mortes ou fraîchement coupées de ronce (qui a l'avantage d'éloigner les oiseaux du fait de ses épines) et de lierre (décomposition rapide), de laurier (lente détérioration), de résineux (aiguilles et branches non broyées sur une litière déjà en place), de buddleia, sureau, ajonc, sauge, fougère...
  • A partir de la quatrième année, il est possible d'ajouter des branches de plus gros volume, d'un diamètre d'un manche à balai s'il le faut.

Autour d'un arbre fruitier paillé, le niveau du sol peut se surélever de 10 cm en quatre ou cinq ans, en particulier grâce aux nombreux vers de terre qui œuvrent dans le sol et en surface. En résumé, le sol s'aggrade (au lieu de se dégrader).

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Paillage de bâtonnets maintenant un sol en pente et permettant d'éviter une érosion par la pluie. © Stéphane Loriot

Pailler un rosier

Selon Stéphane Loriot, "la propre taille du rosier que l'on effectue chaque année et les rameaux, même malades, retournent au pied du rosier". Ce qui évite les aller-retours dans le jardin vers le bac à compost et limite l'utilisation d'intrants, même biologiques. En été, on paillera un rosier avec de la fougère (riche en potasse et accélérant la floraison et la fructification) ou de la consoude.

Pailler des tomates

Un simple paillage de feuilles et de brins d'ortie au début du printemps aux pieds des plants de tomates remplacera le purin d'ortie pour la croissance végétative. Si on ne met que du paillage d'ortie, la floraison des tomates sera plus tardive et la récolte ne sera pas probante. Puis au début de l'été, la consoude (riche en potasse) est idéale lorsqu'elle commence à être belle dans les prairies. On peut donc la ramasser et la disposer, sur une bonne dizaine de centimètres, aux pieds des tomates pour obtenir plus de fleurs et donc plus de fruits.

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Paillage de résineux dont la caractéristique est de ne pas acidifier le sol © Stéphane Loriot

Pailler la pelouse

"Après une tonte de la pelouse, il n'est pas nécessaire de ramasser systématiquement l'herbe coupée ou de la composter. Au contraire, il faut mulscher (laisser la tonte sur le gazon) une fois sur deux et mettre le reste au pied des massifs pour donner de l'azote aux plantes, notamment au début du printemps", explique Stéphane Loriot. En effet, le sol d'une pelouse nettoyée de ses déchets de tonte pendant 5 à 10 ans va s'appauvrir et favoriser la pousse de mousse et pâquerettes sur le gazon.

Pailler les plantes en pot et jardinière

Dans le cas de plantes en pots ou en jardinières, au balcon ou sur une terrasse, on utilisera aussi le tout-venant pour pailler. Le BRF est également à préconiser, et pas la peine d'en avoir des mètres cube ! Dans ce cas, la litière végétale permet de limiter l'arrosage de ces plantes hors sol qu'il faut normalement irriguer tout au long de l'année.

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Exemples de paillages présentés par Stéphane Loriot lors des Journées des plantes de Courson en octobre 2014 © Camille Plessis/Journal Des Femmes

Autre avantage, celui de l'économie de rempotage : le sol se rééquilibrant tout seul, un rempotage tous les deux à trois ans suffit grâce au paillage. Stéphane Loriot précise aussi que "lorsque l'on arrose une plante en pot paillée et que l'on constate une décomposition très lente au niveau de la litière, c'est que l'on a utilisé une eau du robinet non décantée. La javel de cette eau est bactéricide et fongicide, et ralentit considérablement la décomposition de la litière que le pot contient. Il est préférable de récupérer l'eau de pluie pour arroser ses plantes en pot ou, si ce n'est pas possible, de laisser l'eau du robinet décanter au moins 12 heures pour que la javel s'évapore."

Egalement en pot, les plantes d'intérieur peuvent être recouvertes d'une litière de leurs feuilles mortes tombées et de leurs rameaux qu'il faut tailler, ou de feuilles mortes ramassées en forêt. Ou, plus chic, avec un paillage de lin ou de chanvre.