Serena, à l'épreuve de la passion "Se laisser surprendre et accepter la part d'inconnu de l'autre"

Christiane Joubert est docteur en psychopathologie clinique, maître de conférences, psychanalyste de groupe, de couple et de famille (membre de l'Association internationale de psychanalyse de couple et de familles). Elle nous donne quelques conseils pour trouver la bonne distance dans un couple.

Comment un couple devient-il plutôt fusionnel, passionnel, ou complice ?

Christiane Joubert : Au sein de la relation de couple, il y a plusieurs façons d'être en lien qui s'articulent entre-elles :

- la recherche de l'identique, du même (ce qui fait qu'il y a des projets communs dans un couple)

- la recherche du soutien (on peut compter sur l'autre)

- l'attrait de la différence qui amène le désir (je le trouve beau, je la trouve séduisante, etc.).

"Le couple fusionnel est en danger quand l'un se noie dans l'autre et réciproquement"

 La relation fusionnelle se crée quand les deux partenaires du couple cherchent l'identique, le même, de façon prédominante et qu'ils ne peuvent pas se quitter sans la peur de se perdre. Alors ils font tout ensemble, jusqu'à ce que cela devienne étouffant, insupportable. Ils perdent chacun leur espace individuel. L'un se noie dans l'autre et réciproquement. A ce moment-là, cela devient dangereux, car ils peuvent en arriver à ne plus se supporter et à fuir. Mais ils peuvent aussi se contraindre, se dénigrer, se tyranniser réciproquement, sans pouvoir se séparer, ce qui les fait beaucoup souffrir individuellement. Ils ne peuvent ni vivre ensemble, ni se séparer et se sentent pris dans un cercle vicieux insupportable.

 Le couple passionnel est fondé sur l'état amoureux, avec aussi des aspects fusionnels, mais il y a du désir, de l'élan vers l'autre, "un seul être vous manque et tout est dépeuplé", selon cette phrase célèbre. La difficulté arrive au moment où l'état amoureux s'estompe (car il ne dure pas) et au moment donc du réaménagement de la relation au quotidien. L'autre est perçu alors dans sa réalité, son existence propre et c'est décevant car il n'est plus idéalisé, comme dans l'état passionnel.

"Pour les passionnels, la difficulté arrive au moment où l'état amoureux s'estompe"

Cette période est délicate car il faut accepter l'autre dans sa différence et cela peut entraîner la séparation surtout si la désillusion est trop grande : "Je le trouvais merveilleux et voilà qu'au quotidien il me devient insupportable, il travaille trop, ne range pas ses affaires, ne fait plus attention à moi etc.".

On peut tendre vers un couple indépendant, où chacun vit pour soi, sans se préoccuper de l'autre. Les projets communs disparaissent, les partenaires cohabitent, les relations sexuelles disparaissent et la question se pose : que faisons-nous encore ensemble ?

 Le couple complice poursuit ses projets communs, accepte les différences et les partenaires peuvent se soutenir l'un l'autre. Ils sont complices dans la vie et face aux difficultés se font confiance. Ils doivent alors entretenir le désir l'un pour l'autre, se laisser surprendre, accepter l'inconnu aussi.

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