Pourquoi il ne couche même pas avec moi ?

Alors qu'on vient de le rencontrer et qu'on n'a pas demandé la Lune (sauf si la Lune est un rapport sexuel), l'homme nous fuit. Comment expliquer qu'il nous arrive de ramer pour un simple coup d'un soir ? Enquête avec Evelyne Dillenseger, psychanalyste et sexologue.

Pourquoi il ne couche même pas avec moi ?
© Vasyl Dolmatov / 123RF

Fut un temps, on se plaignait des mecs qui ne rappellent pas. A croire qu'ils nous ont lu des nuits durant : aujourd'hui, ils préfèrent ne pas coucher avec nous, au moins ça règle le problème. Les garçons qui désertent avant d'avoir découvert la couleur de ses draps, Margaux, 26 ans, connaît bien ça : "Trois fois que je rencontre des mecs avec qui j'ai envie de m'amuser, mais il ne se passe rien. Qu'on ne couche pas le premier soir, ça me va. Mais le deuxième, on se contente d'un verre et le troisième, il annule. Fin de l'histoire." La première explication qui lui vient se concentre naturellement sur son pouvoir de séduction. Conclure qu'on ne plaît pas, qu'on ne vaut rien, qu'on n'est pas désirable et qu'on est foutu, c'est facile et ça fait mal. On ne va pas se mentir. Un manque de connexion, ça arrive, même si on est là que pour du sexe. Peut-être que quand il a hélé un taxi, on avait un truc entre les dents ou une haleine à faire tourner notre verre de rouge. Mais quand on creuse un peu, un mec qui n'essaie même pas de coucher avec nous a ses raisons que notre brin de ciboulette ignore.

Génération "femme virile"

"A l'époque de nos grands-parents, voire de nos parents, les codes amoureux étaient simples, l'homme proposait, la femme disposait : chacun son rôle", rappelle Evelyne Dillenseger. Bien des années plus tard, la femme a fait du chemin. Sa sexualité, elle l'assume. Elle ne fait plus l'amour à des fins procréatrices, mais pour le plaisir. Elle n'hésite pas à chasser l'homme. Émilie, 30 ans, confirme : "J'y vais, je ne me pose pas de question. Si un mec me fait de l'œil, je l'aborde, il n'y a pas de règles." Tout le souci est là : il n'y a pas (plus) de règles. Les hommes ne savent plus sur quel pied danser face à des femmes initiatrices. "Tous les hommes n'ont pas peur des femmes déterminées, au contraire certains apprécient leurs initiatives alors que d'autres sont totalement déroutés. Les femmes veulent des hommes virils, mais elles-mêmes se virilisent de plus en plus. Résultats : les femmes leur mettent la pression, les hommes en perdent leurs moyens, ne se sentent pas à la hauteur et ne profitent pas de la situation", analyse la psychanalyste et sexologue. Ou comment savoir ce que l'on veut et ne pas s'en cacher peut déstabiliser le garçon qui craint alors d'être utilisé puis rejeté. Faut-il refouler son envie de sexe et y aller moins fort ? Pas sûr que ça fonctionne davantage.

Quand le sexe pue l'amour

En faire un peu moins brouille parfois davantage le message. Une fille qui fonce a le mérite d'être claire : elle veut s'envoyer en l'air. Elle fait peur et salut. Mais quand on commence à y aller à tâtons, à proposer un gentil ciné, à attendre l'appel qu'on aimerait passer, il se produit autre chose dans la tête de l'homme : et si elle espérait une BELLE histoire ? Parce que oui, si elle ne veut pas que du sexe, c'est forcément qu'elle souhaite les croissants au petit-déjeuner (puis des bébés, un camping-car et un mariage). "Beaucoup d'hommes pensent encore que les femmes associent un premier rapport sexuel au démarrage d'une histoire. S'ils se lancent, ils craignent alors qu'elles ne le lâchent plus. Pour ne pas leur donner de faux espoirs, ils préfèrent ne rien tenter", explique la psychanalyste et sexologue. C'est presque respectueux. D'ailleurs, ça l'est. Mais ça s'appelle penser à notre place. Pour contrer, Émilie prévient : "Je veux juste qu'on partage du bon temps, alors je le fais savoir… Mais les hommes ne me croient pas !"

Quand on décide de jouer la transparence, l'homme prend ça pour une fine stratégie. Comme si les nanas jouaient les détachées pour mieux agripper par derrière. Comme si elles acceptaient une relation légère plutôt que d'avouer qu'elles sont dans l'urgence de se caser. La gent masculine se méfie. Nous voilà bien rendues : si on entreprend (trop), on est flippante, si on freine, on est déjà amoureuse et si on prévient, on est stratège. Que faire ? D'après Evelyne Dillenseger, "les femmes doivent rester fidèles à elles-mêmes, à leurs envies. Si elles désirent un rapport d'un soir, qu'elles soient explicites". Le tout est simplement d'être modéré. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas être soi-même. comme lorsqu'on cherche un boulot. Si on insiste trop, l'employeur nous trouve étrange. Soit trop lourde, soit trop désespérée.

Un temps pour tout

On peut dire que l'époque veut ça, que les garçons flippent, qu'ils craignent l'engagement (et on pourrait en parler des heures), mais on ne peut ignorer une chose : si les femmes se masculinisent, les hommes se féminisent. Arrêtons d'imaginer qu'un homme a toujours envie de sexe ! Jour, nuit, pluie, neige : il n'est pas une machine, encore moins un thermostat. Il a aussi des doutes et des émotions. "On demande aux hommes de montrer leurs émotions, leurs sentiments, de ne plus jouer les durs. Ils osent aujourd'hui afficher leur part de féminité", révèle la psy. Ils ont parfois besoin de découvrir une femme avant de coucher avec elle. De prendre le temps, d'imaginer les étapes d'une relation, de construire proprement, de laisser le désir monter pour le simple plaisir d'en jouir plus fort ensuite. En somme, les hommes ne pensent pas qu'à ça et ne déshabillent pas d'un claquement de doigt. Si on prétend à tort et à travers que les femmes ont besoin d'être amoureuses pour coucher et que les hommes couchent pour tomber amoureux, on a bien compris que cette généralité n'était que clichés et que les rôles s'en trouvent complètement inversés. Alors on peut respirer un coup, sans prendre chaque rencontre sans sexe comme argent comptant : la prochaine fois, on passera une belle nuit et peut-être même qu'elle fera des petites sœurs.