Lise, 27 ans : "J'ai découvert mon corps avec Sonia, ma première copine"

Il y a trois ans, Lise est tombée sous le charme de Sonia. Une première relation lesbienne. Depuis, elle couche avec des hommes, flirte avec des femmes. Aux yeux des autres, elle est bisexuelle. Mais pour elle, la sexualité ne mérite aucune étiquette. Récit d'une rencontre avec soi-même.

Lise, 27 ans : "J'ai découvert mon corps avec Sonia, ma première copine"
© 123RF

J'ai vécu cinq ans avec Florent. Il menait une vie parfaite et toute tracée. Et par procuration, ma vie était parfaite et toute tracée. Mes parents l'adoraient, l'idéalisaient même. Il était le gendre idéal. Un médecin ! Je n'étais plus amoureuse de Florent depuis un bout de temps, mais je me voilais la face. Notre vie sexuelle avec était totalement éteinte et notre vie amoureuse ne se portait pas mieux. On fonctionnait par habitude et attachement. C'est Sonia qui m'a ouvert les yeux. Je l'ai rencontrée alors que j'étais toujours en couple. Elle était une amie du frère de mon mec, donc je la voyais souvent en soirée. Elle ne me voyait pas. Et puis, un samedi soir, ses yeux se sont posés sur moi. Elle m'a ouvertement draguée, elle insistait beaucoup. Je n'ai pas trouvé ça lourd. Au contraire, j'ai apprécié. Une petite voix me disait de tenter l'expérience avec elle. Je ne ressentais pas de désir sexuel, mais j'étais curieuse. Je savais depuis l'adolescence qu'un jour ou l'autre, j'essaierais avec une fille, pour le fun.

"Je n'imaginais pas vivre ça un jour"

Je me sentais désirée par Sonia. Après la soirée, elle a continué de m'envoyer des messages. J'avais besoin de ça, de quelqu'un qui fasse attention à moi, me complimente. Homme ou femme, j'étais prête à succomber. J'ai fini par la revoir deux semaines après la fameuse soirée. Elle me disait que je n'étais pas heureuse avec mon mec. Je ne savais pas si elle était sincère ou si elle cherchait simplement à m'attirer dans son lit. Quoi qu'il en soit, je l'ai suivie. Quelque chose en elle résonnait chez moi. J'ai trompé Florent. Sexuellement, j'ai adoré. J'étais pudique au départ, ça me gênait. Je ne faisais rien, elle était dans une optique de donner du plaisir plutôt que d'en recevoir. Je n'avais qu'à me laisser guide. Vraiment, j'ai découvert mon corps et mon plaisir. Une révélation. Ça n'avait rien à voir avec les rapports sexuels hétéros. Je n'imaginais pas vivre ça un jour. J'étais été bouleversée et presque immédiatement très attachée à elle.

J'en ai parlé avec plusieurs de mes amies. Elles m'ont toutes dit que ça sautait aux yeux, que je n'étais plus heureuse dans mon couple. Sonia ne me manipulait pas, finalement. J'ai quitté Florent très rapidement et ce qui était parti pour être un plan d'un soir avec Sonia s'est transformé en une relation sérieuse.

"Pourquoi tu fais ça alors que tu vois bien que ta mère est malade ?"

Évidemment, quand notre histoire a pris un vrai tournant, je me suis posée des milliers de questions. Je cherchais à tout prix à comprendre. Je suis quoi ? Lesbienne ? Bisexuelle ? Hétéro ? Pansexuelle ? Folle ? Ce qui me perturbait, c'est que je ne me sentais pas particulièrement attirée par les filles. Alors oui, j'étais désormais en couple avec Sonia, mais tout de même. Je sentais bien que c'était davantage lié au contexte même si j'étais amoureuse. Bref, j'étais paumée.

Pour ma mère, je n'étais que folle. Je n'ai jamais fait de coming out, c'est mon beau-père qui a deviné que j'étais en couple avec une fille. Il en a parlé à ma mère. Un ouragan qui m'est tombé dessus. Sa réaction a été hyper violente. Ma mère m'a appelée et m'a accablée de reproches et de paroles immondes. J'ai entendu : "tu me déçois", "tu me dégoûtes", "pourquoi tu me fais ça", "quel manque de respect", "c'est une maladie", "je regrette d'avoir payé tes études", etc. J'ai mis ça sur le compte de "la réaction à chaud".

J'ai coupé les ponts avec ma mère et puis c'est mon beau-père qui s'y est mis. Ma mère est diabétique et son diabète s'est dégradé parce qu'elle n'arrivait pas à accepter la chose. On m'a tout mis sur le dos. Comme si c'était ma faute. Il me disait : "Pourquoi tu fais ça alors que tu vois bien que ta mère est malade..." Comme si j'étais consciemment responsable de la dégradation de sa maladie. Ça a été la chose la plus difficile à entendre. Pour un enfant, se faire accuser de rendre sa propre mère malade, c'est vraiment bouleversant.

"On n'est pas obligé d'entrer dans une case, c'est la société qui le veut"

A cette époque, Sonia a dû partir six mois faire un stage à l'étranger. J'ai décidé de prendre les choses en main et d'aller voir une psychologue. Parce que mes relations familiales étaient invivables et parce que j'étais complètement perdue. La psy a fait un travail extraordinaire en me redonnant confiance en moi et en me rendant ma légitimité. Elle m'a permis de lâcher-prise. Moi qui cherchais absolument à comprendre quelle était mon orientation sexuelle, elle m'a dit que je n'étais pas obligée d'entrer dans une case, que c'était la société qui le voulait et nous imposait une norme. Cette thérapie m'a aidée à grandir, à m'assumer, à comprendre qu'on n'était pas tenu de se coller une étiquette sur le front.

Même aujourd'hui, je n'en sais rien. Sonia et moi, ça a duré deux ans et demi et c'est terminé. OK, je suis certainement bisexuelle, parce que sur Tinder, je cherche des hommes et des femmes. OK, peut-être que je suis un peu plus hétéro, parce qu'après Sonia, je cherchais tout l'inverse d'une relation sensuelle et féminine, je voulais une grosse brute, du sexe bestial, des rapports virils. OK, je suis peut-être pansexuelle parce que je tombe amoureuse de quelqu'un, peu importe son genre. Et que mon désir pour une nana naît émotionnellement, là où je n'ai pas besoin de papillons dans le ventre pour coucher avec un mec. OK, je suis peut-être lesbienne au fond, parce que j'adore le sexe avec les filles, parce que je pourrais très bien faire ma vie avec une fille et que passer d'un sexe à l'autre, c'est peut-être se trouver en transition vers l'homosexualité.

Je n'en sais rien et à vrai dire, ça me fatigue. Depuis Sonia, j'ai couché avec plusieurs hommes et j'ai aimé. Elle m'a fait découvrir mon plaisir. Ce que ça dit de moi ? Je n'en sais toujours rien. Aujourd'hui, je flirte avec une fille et je ne sais pas où ça va me mener. Je veux vivre, profiter et ne plus chercher à définir mon orientation sexuelle, même si autour de moi, on continue de me demander "Tu es quoi, bisexuelle, en fait ?" Je me suis bien trop posée la question pour tenter un jour d'y répondre.