Francis Kurkdjian, un parfumeur sur-mesure

Créateur du "Mâle" de Jean Paul Gaultier et premier nez à ouvrir un atelier de parfum sur-mesure, Francis Kurkdjian vit son métier avec passion. Rencontre avec un artisan à l'état brut.

Francis Kurkdjian, un parfumeur sur-mesure
© SdP - Francis Kurkdjian

Comment êtes-vous devenu parfumeur ?
Le parfum n'est pas du tout une affaire familiale. Chez nous, c'est la musique. Tous les membres de ma famille touchent à cet art. Mon oncle est compositeur et ma mère est mezzo-soprane. La musique est un passage obligé chez nous. J'ai donc fait du piano. L'intérêt pour la parfumerie est apparu quand j'avais 14 ans. Au moment des orientations professionnelles, je me suis dit que le métier de parfumeur me correspondait. Il combine la rigueur, la discipline au domaine artistique.  

 

"Je suis capable de tout faire."

Qu'est-ce qui vous attire dans l'univers du parfum ?Je ne peux pas dire que le parfum m'ait attiré. Être parfumeur, c'est très naturel pour moi. Car respirer est une action naturelle. Je fais ce que j'aime. D'ailleurs, je ne peux pas vraiment dire que je travaille. C'est une évidence pour moi de créer des parfums. C'est un métier très exigeant qui me correspond à la perfection. 

Comment créez-vous un parfum ?

J'étais diplômé depuis 8 mois quand j'ai créé Le Mâle de Jean Paul Gaultier. La marque m'a détaillé son brief et j'ai tout de suite eu l'idée en tête. Je fonctionne au flash olfactif. Je sais rapidement quel parfum je souhaite obtenir. Le parfum est la conséquence directe de l'idée que j'ai en tête. Une fois qu'on a la trame, 90 % du travail est fait. Ce que j'aime avant tout dans une fragrance, c'est son sillage. 

Avez-vous une matière première préférée ?

Non. Et je refuse d'en avoir. Je ne veux pas m'enfermer dans un schéma.  

 

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Francis Kurjdjian.  © SdP - Francis Kurkdjian 

Comment est née l'idée de créer un atelier de parfum sur mesure ? Mon travail est le miroir de notre époque. On vit dans un monde où la personnalisation, la customisation prédominent. Et surtout, être parfumeur, c'est aussi être un artisan. Créer du sur-mesure, c'est aussi un retour aux sources. Pourtant, le projet n'était pas gagné d'avance. Quand j'ai ouvert mon premier atelier, certains journalistes ont trouvé l'idée géniale. D'autres, que ce n'était pas terrible. Notamment à cause du prix, qui était alors de 8 000 euros le flacon. Mais l'artisanat a un prix, et le sur-mesure aussi. Aujourd'hui, le concept fonctionne très bien. Pourtant, le prix du flacon oscille entre 12 000 et 15 000 euros.  

 

Parlez-nous de votre processus de création sur-mesure... Comme lorsque je crée pour une marque, l'idée me vient tout de suite, lors de la rencontre avec le client. C'est un moment de découverte de l'autre assez intéressant. Cela se fait naturellement lors d'une conversation. Je ne fais pas remplir de questionnaire. La composition du parfum m'apparaît à la manière d'un sentiment, d'une intuition. Un peu comme une révélation. Cela dépend de l'allure, de la voix. Aussi de ce que demande la personne bien sûr. Il m'arrive aussi de refuser une commande quand il n'y a pas de feeling. 

Si vous n'étiez pas parfumeur, vous seriez ?

Tout le reste ! Je suis capable de tout faire. En revanche, j'ai besoin d'un univers où j'apprends. Tous les métiers créatifs me conviendraient. Je ne pense pas que je serai parfumeur toute ma vie. Un jour, je me rangerai. Ce sera le jour où je ne comprendrai plus mon époque. Si je commence à penser que c'était mieux avant, alors cela voudra dire que je n'aurai plus rien à apporter à la parfumerie.